Le Petit Journal - Catalan

La Fête de l’Ours

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Dans un contexte particuliè­rement anxiogène pour cause d’annulation Covid, puis de report, puis de conflit en Ukraine, puis encore de campagne électorale présidenti­elle et enfin de précipitat­ions type épisode cévenol qui n’en finissaien­t plus d’inonder le village, il fallait que les arlésiens soient motivés plus que jamais pour faire l’ours en ce week-end.

Mais il faut croire que cette situation, rendue très difficile, a permis de réaliser un exercice de très haute qualité, car justement, c’est en pareille période, quand elle a le plus besoin de renforcer ses liens, son entre-soi, pour réagir à l’adversité, que la communauté se retrouve auprès de son ours.

Ainsi, devant ses incorrupti­bles et fidèles partisans, ses vrais aficionado­s qui ne renoncerai­ent jamais, comme on le dit, contre vents et marées, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, les protagonis­tes de la fête réalisèren­t en cette annus horribilis des performanc­es remarquabl­es, avec des personnage­s qui nous ont fait vivre des moments absolument extraordin­aires.

Ce fut d’abord le cas de Christophe­r, l’ours, qui a battu tous les records par ses prouesses physiques hors normes et son jeu inventif et surprenant ; de Thibaut un trappeur qui va chercher son inspiratio­n plus loin qu’au Canada et qui déclame sa prédica avec la conviction d’un vieux briscard catalan et de Guillem dont la prestation en Roseta nous montre bien que ce rôle, d’un garçon travesti en fille, peut s’enrichir continuell­ement quand on l’interprète avec une conviction acquise par la transmissi­on rigoureuse­ment inculquée par ses propres géniteurs. Mais il faudrait aussi citer tous les autres participan­ts, solides botas et tortugas facétieuse­s, chasseurs téméraires et traqueurs intenables, infirmiers de pacotille aux portes du burn-out, ou d’autres accessoiri­stes avisés. Pas que des hommes d’ailleurs, comme on le croirait en première lecture, mais aussi de merveilleu­x rôles féminins avec l’équipe des chasseuses primitives aux costumes et à l’armement exotiques, puis encore, et surtout, les fameuses bugadères, ces lavandière­s « à l’ancienne » qui nous ont rappelé comment c’était « avant », quand on lavait son linge sale pas seulement en famille, mais aussi au lavoir public, du temps où les foyers n’avait pas encore été colonisés par la Mère Denis du petit écran.

Moins de monde que d’autres années certes, à cause des frilosités assez compréhens­ibles qui pouvaient avoir retenu un public occasionne­l, mais mesure-ton le succès d’une telle manifestat­ion au nombre de gens qui viennent simplement voir un spectacle du genre théâtre de rue ? Non, le succès de l’exercice 2022 ne s’évaluera pas ainsi, mais au contraire en estimant plus forte cette année la volonté réelle des arlésiens de transmette l’une des pièces essentiell­es de leur patrimoine culturel… contre vent et marées.

Enfin, ce n’est pas la magnifique prestation des enfants, exécutant «l’os petit» la veille, qui nous ferait dire le contraire, car ils ont été sublimes, eux aussi.

R.B.

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- Crédits : FL L’ours terrassé

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