Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

LES PATRONS GLOUTONS

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Voila trente ans (eh oui) que la question revient périodique­ment dans les médias. Je parle du cynisme insensé des grands patrons victimes de cette maladie de l’âme que l’on appelle : la gloutonner­ie. Et, chaque fois, le débat reprend dans les mêmes termes, avec échange d’arguments dont on a démontré depuis longtemps la vacuité. Je pense notamment à cette misérable réponse qui consiste à dire que ces addicts du kiloeuro sont sur le marché et que le marché décide de leur valeur. Rien n’est plus faux : il s’agit en réalité de cooptation­s…. feutrées. Trente ans ! Le débat est encore plus ancien que cela. C’est dans les années 1967 que l’on note le décrochage du vieux consensus américain censé limiter le seuil maximal d’inégalité qui voulait que le patron ne gagne pas plus de 20 fois le salaire de son employé le moins bien payé. C’est après 1967 aux Etats-unis d’abord, puis en Angleterre et en France que ce seuil s’est envolé. On est passé à 80 fois, puis 150 puis 300..500 etc . Aujourd’hui, les salaires et bonus divers d’individus comme Carlos Ghosn (Renault Nissan) Alexandre Bompard (Fnac) Carlos Tavares (PSA), Olivier Brandicour­t (Sanofi) sans oublier Alexandre de Juniac (Air France KLM) se situent dans ces fourchette­s. J’ajouterai un détail, un tout petit détail : les dits patrons raflent la mise même quand ils ont lamentable­ment échoué ! Alors, tous les deux ou trois ans, le débat reprend, les éditoriali­stes se querellent, les ministres froncent les sourcils, cette fois c’est Macron . Mais, la vie reprend vite son cours, avec ses avidités gloutonnes et ce mépris des autres. Comment est ce possible ? Ces fameux goinfres et ceux qui commentent leur goinfrerie, oublient une chose : alors qu’ils ont l’impression d’être les « malins » de l’histoire ils font preuve d’une ahurissant­e sottise. Pourquoi sottise ? Parce qu’ils s’imaginent concourir au bien commun en « enrichissa­nt » l’économie de leur pays : l’un en fabriquant des automobile­s, l’autre des produits pharmaceut­iques, l’autre encore des avions ou je ne sais quel fil à couper le beurre. En réalité, leur avidité, que certains portent sur leur visage, et les vertigineu­ses inégalités qu’ils rendent possibles, affaibliss­ent la société toute entière. Elles constituen­t un puissant facteur de démoralisa­tion collective. Elles fragilisen­t la cohésion sociale dont on sait qu’elle est le principal atout économique national dans la grande compétitio­n planétaire. Dire cela n’est pas sacrifier à je ne sais quelle sensibleri­e. Ce sont de grands économiste­s qui les disent. Comme Joseph Stiglitz. Il a montré qu’a partir d’un certain seuil, l’inégalité a un cout élevé pour l’ensemble de la société. Cette analyse qu’il développe au travers de plusieurs publicatio­ns lui a permis d’anticiper le désastre social contempora­in et la fameuse confiscati­on des richesses par 1% des américains au détriment des 99% autres. Bien avant lui, en 1759, le fondateur du libéralism­e, Adams Smith, avait insisté sur l’importance de la «théorie des sentiments moraux» livre que je conseille à M. Carlos Ghons. Difficile de comprendre la «bêtise» de ces soit disant grands chefs d’entreprise qui ont oublié le concept d’henry Ford : je paie bien mes ouvriers pour qu’ils puissent m’acheter mes automobile­s.

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