Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
Allons enfants de la paroisse...
Honorées partout dans le pays, dans chacune des 36000 commune qu’il compte, par un monument ostensiblement dressé au coeur d’une place publique, rappelant leur sacrifice et régulièrement couronné de fleurs, les victimes de la «grande guerre» ont aussi reçu, en particulier dans la France rurale, la plus touchée par l’hécatombe, un hommage plus intime, moins connu mais tout aussi poignant et profondément révélateur, dans le silence ombré de maint édifice religieux.
Car avant que d’être enfants de la Patrie, ces héros malgré eux nés à la fin d’un Xixème siècle encore fortement ancré dans la tradition chrétienne, étaient pour la plupart enfants d’une paroisse, «dûment» baptisés, communiés, élevés dans l’amour de Dieu… Leur mort en forme de sacrifice suprême a bouleversé les consciences et précipité leurs familles dans un désespoir sans fond, inaccessible aux condoléances officielles de la nation reconnaissance, et que seules la foi et l’espérance d’un au-delà pouvaient éclairer d’une lueur consolatrice.
Dès lors s’est imposée aux fidèles l’impérieuse nécessité de cultiver dans leur église le souvenir de ces combattants partis à l’appel du tocsin sonné au clocher natal qu’ils n’ont jamais revu. Martyrs parmi les martyrs, leurs noms vénérés sont gravés aux murs de la nef entre deux stations du chemin de croix, entre deux scènes bibliques ; ici, une peinture allégorique représente des anges priant sur la croix de bois de leur tombe de terre; ailleurs un gisant en capote bleu horizon se mêle à la statuaire sacrée ; ailleurs encore un soldat agenouillé au pied d’un calvaire parait prendre à témoin le Christ. « Seigneur pourquoi m’as-tu abandonné ? » pourrait crier au Rédempteur le défenseur de la Patrie. Mais pour peu qu’il existe, ce paradis des belles pages du caté promis aux enfants sages, sûr que les Poilus passé par l’enfer n’auront pas volé leur éternité...