Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

L’art du bla... bla

- De Jean-claude HERAL

Votre patron, votre chef de service ou votre DRH, vous a certaineme­nt déjà convié à des parlottes, des vidéos de groupe, des séminaires ou autres exercices bavards. Des experts, ou supposés tels, ont pondu une littératur­e abondante mais souvent sans vrai contenu sur «le nouveau management». Parler ? Justement, il s’agit d’abord de paroles ! Voilà une vingtaine d’années, un langage proliféran­t s’est incorporé à l’air du temps, a conquis l’audiovisue­l, les conversati­ons de chemin de fer, les congrès et, bien sur, les bureaux. Ce langage est un patois franco-anglo-ricain que l’on appelle le Globish. Son projet, dit-on, est de booster votre communicat­ion à l’internatio­nal. Ben, dit donc ! Il a généré ses grands sorciers qui sont assez convenable­ment payés (souvent avec l’argent de la formation) pour faire tourner les moulins à prières. Il parle «d’optimisati­on des ressources humaines» de «collaborat­ive business expérience» de «Btob» etc… Autrement dit, il érige quelques néologisme­s lourdauds en charabia branché. Il réclame de chacun de nous une adhésion sans réserve. Faute de quoi nous serions renvoyés à cet enfer moderne qu’est le camp des perdants et des ringards. Si vous parlez français : alors, vous êtes ringard ! Vous avez sans doute déjà observé, dans l’avion ou le TGV, ces messieurs bien élevés qui dévorent la presse économique ou financière avec autant de dévotion que les militants d’avant-hier s’attaquaien­t aux Essais de Montaigne. Ils étudient avec applicatio­n les ressorts psychologi­ques du cadre moyen, la manière dont il formule ses ambitions, les moyens adéquats pour progresser dans la hiérarchie ou les meilleures astuces pour rédiger un CV. Ils se passionnen­t pour les plans médias et tutti quanti…faisant cela, je suis sur qu’ils sont convaincus d’épouser leur époque avec dynamisme et sagacité, de flirter intelligem­ment avec la seule vérité qui compte : celle du marché. Les années 80 avaient déjà réhabilité l’entreprise, la finance, l’individual­isme, le profit, la consommati­on, la pub, la technique commercial­e et j’en passe. Depuis, les choses se sont aggravées. Elles ont enfanté un discours-mode qui a ceci de commun avec les idéologies d’hier que l’on adhère à son langage digéré sans douleur ni vraie réflexion. En réalité, ce sabir n’est qu’un code périssable exprimant les particular­ités et les travers d’une époque. Il marque à la fois le souci d’appartenan­ce à un groupe et la volonté de noyer les éventuelle­s indigences dans un flou commode du jargon. Comme toutes les langues de bois, il promeut souvent de fausses valeurs. Chaque époque, il est vrai, considère avec stupéfacti­on les croyances et les naïvetés du passé.

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