Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
L’art du bla... bla
Votre patron, votre chef de service ou votre DRH, vous a certainement déjà convié à des parlottes, des vidéos de groupe, des séminaires ou autres exercices bavards. Des experts, ou supposés tels, ont pondu une littérature abondante mais souvent sans vrai contenu sur «le nouveau management». Parler ? Justement, il s’agit d’abord de paroles ! Voilà une vingtaine d’années, un langage proliférant s’est incorporé à l’air du temps, a conquis l’audiovisuel, les conversations de chemin de fer, les congrès et, bien sur, les bureaux. Ce langage est un patois franco-anglo-ricain que l’on appelle le Globish. Son projet, dit-on, est de booster votre communication à l’international. Ben, dit donc ! Il a généré ses grands sorciers qui sont assez convenablement payés (souvent avec l’argent de la formation) pour faire tourner les moulins à prières. Il parle «d’optimisation des ressources humaines» de «collaborative business expérience» de «Btob» etc… Autrement dit, il érige quelques néologismes lourdauds en charabia branché. Il réclame de chacun de nous une adhésion sans réserve. Faute de quoi nous serions renvoyés à cet enfer moderne qu’est le camp des perdants et des ringards. Si vous parlez français : alors, vous êtes ringard ! Vous avez sans doute déjà observé, dans l’avion ou le TGV, ces messieurs bien élevés qui dévorent la presse économique ou financière avec autant de dévotion que les militants d’avant-hier s’attaquaient aux Essais de Montaigne. Ils étudient avec application les ressorts psychologiques du cadre moyen, la manière dont il formule ses ambitions, les moyens adéquats pour progresser dans la hiérarchie ou les meilleures astuces pour rédiger un CV. Ils se passionnent pour les plans médias et tutti quanti…faisant cela, je suis sur qu’ils sont convaincus d’épouser leur époque avec dynamisme et sagacité, de flirter intelligemment avec la seule vérité qui compte : celle du marché. Les années 80 avaient déjà réhabilité l’entreprise, la finance, l’individualisme, le profit, la consommation, la pub, la technique commerciale et j’en passe. Depuis, les choses se sont aggravées. Elles ont enfanté un discours-mode qui a ceci de commun avec les idéologies d’hier que l’on adhère à son langage digéré sans douleur ni vraie réflexion. En réalité, ce sabir n’est qu’un code périssable exprimant les particularités et les travers d’une époque. Il marque à la fois le souci d’appartenance à un groupe et la volonté de noyer les éventuelles indigences dans un flou commode du jargon. Comme toutes les langues de bois, il promeut souvent de fausses valeurs. Chaque époque, il est vrai, considère avec stupéfaction les croyances et les naïvetés du passé.