Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
CRASH MORTEL : "LA VÉRITÉ"
Après 4 ans d’attente, une longue instruction judiciaire et un renvoi du dossier, Mr Bernard Jean a enfin été jugé ce mardi après-midi au Tribunal de Grande Instance de Montauban. Accusé d’homicide et de blessures involontaires avec ITT inférieur et supérieur à 3 mois suite au crash de montgolfière qui avait eu lieu le 5 octobre 2014 sur la petite commune de Cazes-mondenard, il a dû s’expliquer sur différents points qui mettent en cause sa responsabilité dans ce tragique accident.
Le crash avait fait beaucoup parler à l’époque. Le 5 octobre 2014, Mr Jean, gérant d’une société de transport aérien à Lauzerte, se lève de bonne heure car il a une réservation pour un baptême en montgolfière. Il vérifie la météo et malgré des bonnes conditions, il décide d’annuler le vol du matin, jugeant qu’il est préférable de ne pas décoller. Après d’autres vérifications dans la matinée, il décide alors d’effectuer le vol plutôt dans l’après-midi. C’est alors un groupe de 10 personnes accompagné de Mr Jean qui embarque dans la nacelle pour découvrir le Tarn-etgaronne et le Quercy vu du ciel. Au bout d’une demiheure de vol, la météo complique les choses obligeant le pilote à entreprendre un atterrissage d’urgence. La nacelle touche le sol une première fois et redécolle pendant plusieurs secondes avant de toucher le sol à nouveau et de se coucher. Un incendie se déclenche alors. Neuf passagers et le pilote parviennent à s’extirper tant bien que mal de la nacelle. Pascal Perissé, qui n’a pas réussi à se dégager, meurt carbonisé sous les yeux de sa fille et de sa femme, grièvement blessées mais vivantes. Après une enquête et une expertise judiciaire, Mr Jean est accusé de n’avoir pas respecté certaines mesures de sécurité et aurait fait preuve de «négligence».
UN PROCÈS ATTENDU
En ce mardi après-midi de novembre 2018, l’ambiance est lourde dans la salle d’audience du TGI de Montauban. Une bonne partie des victimes sont présentes dans la salle pour entendre les explications du pilote sur les circonstances de l’accident. A la barre pendant plus d’une heure, Mr Jean répond aux questions de Mme le juge Nelly Emin, du vice-procureur Véronique Benlafquih et des avocats de la partie civile. Le rapport de l’expert conclut que le pilote, le jour du crash, avait embarqué trop de passagers à son bord et que la maniabilité de la montgolfière en était donc réduite. « La méthode calcul de l’expert n’est pas la même que celle que j’utilise. La mienne est plus réelle et m’a toujours réussi. Il s’agit d’un calcul simple mathématique que j’ai appris à l’école fédérale d’aviation» répond le pilote. «Il y a quand même une différence de 150 kg entre le calcul de l’expert et le vôtre» rétorque Mme le juge. «D’après mes calculs, on était dans les bonnes conditions d’emport pour décoller» ajoute Mr Jean, sûr de lui.
Il est aussi reproché au pilote de na pas avoir respecté la température maximale de l’air dans l’enveloppe du ballon : «vous étiez à 114°C au lieu des 110°C autorisés, Mr Jean». Ce à quoi le pilote répond : «la limite maximale est fixée à 125°C. Si le système de contrôle de température ne s’est pas déclenché, c’est que la température maximale n’était pas atteinte».
Concernant les conditions météo, le rapport de l’expert expose clairement qu’il n’était pas recommandé de voler ce jour-là. Argument que réfute encore une fois Mr Jean : «j’ai consulté plusieurs sites météo et il était parfaitement possible de voler. L’accident a eu lieu à cause de turbulences rares qu’il était impossible de prévoir ni d’anticiper».
DÉNI DE RESPONSABILITÉ ?
Agacé par les propos de Mr Jean qui semble rejeter en bloc l’expertise judiciaire, un avocat de la partie civile s’insurge : «si l’expert se trompe sur tout, pourquoi ne pas avoir demandé une contreexpertise ?»
Mme le juge aborde enfin le sujet des brûleurs qui n’ont pas été éteints lors de l’atterrissage d’urgence et qui ont déclenché l’incendie. Le pilote explique que dans le manuel du constructeur, il est stipulé qu’il faut les éteindre si l’on peut «mais j’ai seulement deux mains et deux pieds et je n’avais pas le temps de le faire».
Il ajoute pour conclure : «dans ces minutes de panique pendant la descente, je pense avoir fait ce qu’il fallait. J’ai ma conscience tranquille». Phrase qui choquera toute l’assemblée et qui restera très certainement dans l’esprit des victimes.
Un avocat de la partie civile reprend d’ailleurs les propos de l’accusé : «dire que vous avez fait ce qu’il fallait est d’une violence inouïe pour les victimes. Soit vous êtes dans le déni de vos responsabilités, soit vous refusez de reconnaître vos erreurs».
L’avocat de la famille du défunt, Me Karim Félissi intervient à son tour en précisant que l’épouse et la fille de Pascal Périssé refusent de se présenter à la barre par dignité et qu’elles assument mieux la situation que l’accusé.
L’avocat de la défense, Me Chevrier argumente sur le rapport de l’expert qu’il juge de «simple technicien» et propose de présenter le rapport de l’expert qu’il a luimême engagé. Ce qui lui est fermement refusé : «vous aviez largement le temps d’apporter ce rapport au dossier ou de demander une contre-expertise. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut le faire. Nous nous en tiendrons donc uniquement au dossier d’instruction».
Avant de laisser la parole au vice-procureur, Mme le juge explique à Mr Jean que c’est l’incendie et donc la non-extinction des brûleurs qui a causé la mort de Pascal Perissé et que c’est la faute principale qu’il a commise.
«VOUS NE SEMBLEZ RESSENTIR AUCUNE COMPASSION»
A son tour, Mme le viceprocureur, s’étonne de l’attitude de l’accusé : «Mr Jean, vous n’avez pas eu un mot à l’égard des victimes et vous ne semblez ressentir aucune compassion. Vous n’avez même pas remercié le passager qui vous a sauvé la vie en vous aidant à sortir de la nacelle le jour du crash». Face à l’attitude impassible de l’accusé, elle requiert 3 ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, l’interdiction de piloter des montgolfières à titre personnel ou professionnel et l’obligation d’indemniser les victimes. Le jugement a été place en délibéré au 11 décembre.