Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

CRASH MORTEL : "LA VÉRITÉ"

- AD82

Après 4 ans d’attente, une longue instructio­n judiciaire et un renvoi du dossier, Mr Bernard Jean a enfin été jugé ce mardi après-midi au Tribunal de Grande Instance de Montauban. Accusé d’homicide et de blessures involontai­res avec ITT inférieur et supérieur à 3 mois suite au crash de montgolfiè­re qui avait eu lieu le 5 octobre 2014 sur la petite commune de Cazes-mondenard, il a dû s’expliquer sur différents points qui mettent en cause sa responsabi­lité dans ce tragique accident.

Le crash avait fait beaucoup parler à l’époque. Le 5 octobre 2014, Mr Jean, gérant d’une société de transport aérien à Lauzerte, se lève de bonne heure car il a une réservatio­n pour un baptême en montgolfiè­re. Il vérifie la météo et malgré des bonnes conditions, il décide d’annuler le vol du matin, jugeant qu’il est préférable de ne pas décoller. Après d’autres vérificati­ons dans la matinée, il décide alors d’effectuer le vol plutôt dans l’après-midi. C’est alors un groupe de 10 personnes accompagné de Mr Jean qui embarque dans la nacelle pour découvrir le Tarn-etgaronne et le Quercy vu du ciel. Au bout d’une demiheure de vol, la météo complique les choses obligeant le pilote à entreprend­re un atterrissa­ge d’urgence. La nacelle touche le sol une première fois et redécolle pendant plusieurs secondes avant de toucher le sol à nouveau et de se coucher. Un incendie se déclenche alors. Neuf passagers et le pilote parviennen­t à s’extirper tant bien que mal de la nacelle. Pascal Perissé, qui n’a pas réussi à se dégager, meurt carbonisé sous les yeux de sa fille et de sa femme, grièvement blessées mais vivantes. Après une enquête et une expertise judiciaire, Mr Jean est accusé de n’avoir pas respecté certaines mesures de sécurité et aurait fait preuve de «négligence».

UN PROCÈS ATTENDU

En ce mardi après-midi de novembre 2018, l’ambiance est lourde dans la salle d’audience du TGI de Montauban. Une bonne partie des victimes sont présentes dans la salle pour entendre les explicatio­ns du pilote sur les circonstan­ces de l’accident. A la barre pendant plus d’une heure, Mr Jean répond aux questions de Mme le juge Nelly Emin, du vice-procureur Véronique Benlafquih et des avocats de la partie civile. Le rapport de l’expert conclut que le pilote, le jour du crash, avait embarqué trop de passagers à son bord et que la maniabilit­é de la montgolfiè­re en était donc réduite. « La méthode calcul de l’expert n’est pas la même que celle que j’utilise. La mienne est plus réelle et m’a toujours réussi. Il s’agit d’un calcul simple mathématiq­ue que j’ai appris à l’école fédérale d’aviation» répond le pilote. «Il y a quand même une différence de 150 kg entre le calcul de l’expert et le vôtre» rétorque Mme le juge. «D’après mes calculs, on était dans les bonnes conditions d’emport pour décoller» ajoute Mr Jean, sûr de lui.

Il est aussi reproché au pilote de na pas avoir respecté la températur­e maximale de l’air dans l’enveloppe du ballon : «vous étiez à 114°C au lieu des 110°C autorisés, Mr Jean». Ce à quoi le pilote répond : «la limite maximale est fixée à 125°C. Si le système de contrôle de températur­e ne s’est pas déclenché, c’est que la températur­e maximale n’était pas atteinte».

Concernant les conditions météo, le rapport de l’expert expose clairement qu’il n’était pas recommandé de voler ce jour-là. Argument que réfute encore une fois Mr Jean : «j’ai consulté plusieurs sites météo et il était parfaiteme­nt possible de voler. L’accident a eu lieu à cause de turbulence­s rares qu’il était impossible de prévoir ni d’anticiper».

DÉNI DE RESPONSABI­LITÉ ?

Agacé par les propos de Mr Jean qui semble rejeter en bloc l’expertise judiciaire, un avocat de la partie civile s’insurge : «si l’expert se trompe sur tout, pourquoi ne pas avoir demandé une contreexpe­rtise ?»

Mme le juge aborde enfin le sujet des brûleurs qui n’ont pas été éteints lors de l’atterrissa­ge d’urgence et qui ont déclenché l’incendie. Le pilote explique que dans le manuel du constructe­ur, il est stipulé qu’il faut les éteindre si l’on peut «mais j’ai seulement deux mains et deux pieds et je n’avais pas le temps de le faire».

Il ajoute pour conclure : «dans ces minutes de panique pendant la descente, je pense avoir fait ce qu’il fallait. J’ai ma conscience tranquille». Phrase qui choquera toute l’assemblée et qui restera très certaineme­nt dans l’esprit des victimes.

Un avocat de la partie civile reprend d’ailleurs les propos de l’accusé : «dire que vous avez fait ce qu’il fallait est d’une violence inouïe pour les victimes. Soit vous êtes dans le déni de vos responsabi­lités, soit vous refusez de reconnaîtr­e vos erreurs».

L’avocat de la famille du défunt, Me Karim Félissi intervient à son tour en précisant que l’épouse et la fille de Pascal Périssé refusent de se présenter à la barre par dignité et qu’elles assument mieux la situation que l’accusé.

L’avocat de la défense, Me Chevrier argumente sur le rapport de l’expert qu’il juge de «simple technicien» et propose de présenter le rapport de l’expert qu’il a luimême engagé. Ce qui lui est fermement refusé : «vous aviez largement le temps d’apporter ce rapport au dossier ou de demander une contre-expertise. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut le faire. Nous nous en tiendrons donc uniquement au dossier d’instructio­n».

Avant de laisser la parole au vice-procureur, Mme le juge explique à Mr Jean que c’est l’incendie et donc la non-extinction des brûleurs qui a causé la mort de Pascal Perissé et que c’est la faute principale qu’il a commise.

«VOUS NE SEMBLEZ RESSENTIR AUCUNE COMPASSION»

A son tour, Mme le viceprocur­eur, s’étonne de l’attitude de l’accusé : «Mr Jean, vous n’avez pas eu un mot à l’égard des victimes et vous ne semblez ressentir aucune compassion. Vous n’avez même pas remercié le passager qui vous a sauvé la vie en vous aidant à sortir de la nacelle le jour du crash». Face à l’attitude impassible de l’accusé, elle requiert 3 ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, l’interdicti­on de piloter des montgolfiè­res à titre personnel ou profession­nel et l’obligation d’indemniser les victimes. Le jugement a été place en délibéré au 11 décembre.

 ??  ?? Après 4 ans d'attente, une longue instructio­n judiciaire et un renvoi du dossier, Mr Bernard Jean a enfin été jugé ce mardi après-midi...
Après 4 ans d'attente, une longue instructio­n judiciaire et un renvoi du dossier, Mr Bernard Jean a enfin été jugé ce mardi après-midi...
 ??  ?? Ce qu’il restait de la montgolfiè­re après le crash du 5 octobre 2014...
Ce qu’il restait de la montgolfiè­re après le crash du 5 octobre 2014...

Newspapers in French

Newspapers from France