Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Drôle d’oiseau !

- Alain Paga

Notre amie Mathilde nous a racontée une histoire digne de figurer dans les Fables de

Jean de Lafontaine. Une belle histoire qui remet «le coeur dans l’épaule», comme aurait dit ma mère. Exactement ce dont on a besoin par ces temps de grisaille. Mathilde adore les animaux. Trop, pensait feu son mari qui lui reprochait d’être «plus bête que les bêtes». Ce qu’elle considérai­t comme un compliment. Il y a six mois on lui a amené un bébé corbeau, déjà comateux, trouvé à côté de sa mère morte. Mathilde l’a soigné, sauvé de justesse. Elle a parlé à son chat : la bestiole une fois requinquée partirait à la campagne où elle vivrait en liberté, nourrie et hébergée par des amis, en attendant de reprendre sa liberté. La date du départ a été reportée tout au long de l’été. L’animal a grandi en devenant de plus en plus indépendan­t. Après un nid dans un carton, puis une cage il a colonisé une pièce et tout l’escalier où il régnait en maître, terrorisan­t le chat dont il tirait la queue. A la fois diable et ange, il était très attaché à Mathilde qui passait de longs moments à le caresser, à lui parler et à rire de ses pitreries. Lorsqu’elle s’absentait, elle trouvait, en rentrant chez elle, l’oiseau et le chat qui l’attendaien­t à côté de la porte.

En face de chez Mathilde il y a un parc avec de grands arbres et de l’espace. Elle avait entendu, à plusieurs reprises des croassemen­ts venant de là, que son corbeau écoutait alors très attentivem­ent comme des messages qui semblaient lui être destinés. Un soir, en rentrant chez elle, il n’y avait que le chat qui l’attendait. Pas d’oiseau. Ce jour-là elle avait multiplié des allées et venues, en ouvrant chaque fois la porte d’entrée... L’oiseau avait dû en profiter pour répondre à l’invitation de ses congénères. Ce brusque départ que rien ne laissait prévoir a affecté Mathilde plus que de raison et elle trouvait cela ridicule. Elle se réveillait souvent la nuit, s’inquiétant de ce qui avait pu arriver à l’oiseau. Et puis, il y a quelques jours, vers midi elle l’a entendu. Sur la cheminée de la maison d’en face, un oiseau noir la regardait. De la fenêtre du premier étage elle l’a appelé. Il est venu la rejoindre et elle l’a longuement caressé en lui parlant. Elle l’a trouvé beaucoup plus grand que dans son souvenir. «Coc-coc-coc, lui a-t-il dit, ne t’inquiète plus pour moi. Je suis parti sans te dire au revoir, sans te remercier de m’avoir sauvé la vie. Mais je suis revenu pour te rassurer. Tout va bien pour moi. Je niche en face et je garde un oeil sur toi.» Et puis il s’est envolé au plus haut du ciel. Emue au-delà du raisonnabl­e et très heureuse Mathilde a apprécié, une fois de plus, ces vertus «humaines» qui nous font si souvent défaut. La reconnaiss­ance, la politesse, l’attention à l'autre... des qualités de coeur d’un monde animal dont nous sommes trop souvent les prédateurs et que nous traitons si mal, avec tant de mépris et de cruauté.

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