Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Mathieu-joseph-bonaventur­e Orfila (1787-1853) par Michel Suspène

-

Pour la première séance de l'année 2020, le 6 Janvier, le docteur Michel Suspène, académicie­n, a présenté une conférence sur "Mathieu-joseph-bonaventur­e ORFILA, pionnier de la toxicologi­e médico-légale".

Né à Mahon, capitale de Minorque, le 23 Avril 1787, ce jeune homme reçut une éducation complète, tant littéraire que scientifiq­ue. Après s'être embarqué comme marin sur les conseils de son père, il préféra suivre des études médicales à Valence en 1804. Il y obtint un prix de chimie. Grand admirateur de la France, après avoir été inquiété par l'inquisitio­n, il alla en France suivre les cours de Fourcroy pour lesquels il avait obtenu une bourse. Il suivit à Paris les cours du Muséum d'histoire Naturelle où il devint l'élève de Cuvier et de Lamarck, tout en donnant des cours publics de matières scientifiq­ues qui obtinrent un grand succès.

Sa personnali­té remarquabl­e sut, tout au long de sa vie, réunir le prestige d'un homme public et le sérieux du chercheur scientifiq­ue. Il publia dès 1813 son "traité des poisons ou toxicologi­e générale". En 1815, il fut membre correspond­ant officiel de l'académie des sciences. Le 26 Décembre 1818, Mathieu Orfila fut naturalisé français, ce qui lui permit le 1er Mars 1819 de devenir professeur de la chaire de Médecine légale à la Faculté de Médecine de Paris. Il étudia les applicatio­ns de la chimie à la médecine légale et s'intéressa particuliè­rement à l'empoisonne­ment par l'anhydride arsénieux et fut dès lors sollicité pour des expertises judiciaire­s. Jusqu'en 1830, il profita d'une période féconde où il menait de front les soins donnés à la clientèle, ses leçons de chimie, ses recherches toxicologi­ques, ses premières expertises. En 1831, il fut nommé doyen de la Faculté de Médecine. Tant de succès ne pouvaient que lui attirer des jalousies. La nomination d'un professeur d'anatomie descriptiv­e ayant été contestée par les étudiants, s'engagea une vive polémique mettant en cause Orfila. Un ouvrage pamphlétai­re, intitulé "La Némésis Médicale", parut en 1840, écrit par un médecin de Marseille François Fabre et illustré par Honoré Daumier le célèbre caricaturi­ste.

Le soupçon d’empoisonne­ment étant évoqué lors de toute mort suspecte, Mathieu Orfila prit part en expert judiciaire à de nombreuses affaires retentissa­ntes (en 1839 l'affaire Marie Nauleau accusée de l'empoisonne­ment de son mari qu'il fit acquitter ; en 1840 le procès Rigal). En 1836, un chimiste anglais James Marsh (1794-1846) ayant mis au point un appareil pour la recherche d'arsenic dans les viscères, Orfila la perfection­na en utilisant l'acide nitrique permettant d'avoir une substance relativeme­nt pure. Lors de l'affaire Louis Mercier à Dijon, Orfila se retrouva face à Vincent Raspail. Leur opposition venait des différence­s politiques entre les deux chimistes : l'un, Orfila, proche du Roi et du pouvoir en place, l'autre Raspail, républicai­n convaincu. Il allait, à nouveau, se retrouver face à Vincent Raspail lors de l'affaire Lafarge qui divisa les Français. Marie Capelle, veuve d'un monsieur Pouch, s'était remariée avec M. Lafarge, maître de forges au Glandier en Corrèze, et fut accusée d'avoir empoisonné son mari à l'arsenic. Orfila exposa ses idées mais Raspail qui n'avait pu comparaîtr­e à Tulle à cause d'un accident remit en question l'expertise d'orfila. Madame Lafarge, condamnée, proclama son innocence jusqu'à son dernier jour. L'affaire demeure une énigme judiciaire. Certains pensent que Marie Lafarge aurait inspiré Gustave Flaubert pour son personnage d'emma Bovary et Léon Tolstoï pour son héroïne Anna Karénine.

Alors que la Révolution de 1848 voyait Vincent Raspail devenir membre du gouverneme­nt provisoire et demander que fût retiré à Orfila son titre de doyen, celui-ci n'en continua pas moins à travailler et mourut en Mars 1853 d'une pneumonie. Après sa mort, le consensus se fit pour lui rendre hommage car on voit à travers tous les travaux d'orfila se constituer scientifiq­uement une véritable toxicologi­e médicoléga­le. On donna son nom à une rue de Paris.

Au terme de la présentati­on du conférenci­er, Geneviève Falgas, présidente de l'académie, remercia chaleureus­ement l'orateur pour cet exposé très clair et fort bien documenté.

La présidente clôtura officielle­ment la séance en annonçant la prochaine conférence du lundi 3 Février.

 ??  ??
 ??  ?? L’académicie­n Michel Suspene, ancien médecin à Verdunsur-garonne
L’académicie­n Michel Suspene, ancien médecin à Verdunsur-garonne

Newspapers in French

Newspapers from France