Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
L’affaire Fillon, une enquête conduite «sous pression»
Une enquête conduite sous « pression » : les déclarations de l’ancienne cheffe du parquet national financier à propos de l’affaire Fillon ont relancé le débat sur l’indépendance de la justice et les appels à réformer le parquet.
Éliane Houlette, très discrète quand elle était à la tête du parquet national financier (PNF), de sa création en 2014 à 2019, n’a pas mâché ses mots, le 10 juin, devant la Commission d’enquête de l’assemblée nationale sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire. La haute magistrate, retraitée depuis un an, s’est émue de la « pression » qu’aurait exercée le parquet général, son autorité de tutelle, dans la conduite des investigations visant les époux Fillon. Ses déclarations devant la Commission d’enquête, rendues publiques à quelques jours du jugement le 29 juin, ont déclenché une avalanche de réactions.
Emmanuel Macron a décidé de saisir pour avis le Conseil supérieur de la magistrature pour « analyser si le parquet national financier a pu exercer son activité en toute sérénité, sans pression » lors de son enquête sur l’affaire Fillon, a annoncé l’elysée hier soir.
Les déclarations d’éliane Houlette montrent « que cette enquête était à charge, qu’elle était folle et qu’elle n’avait qu’un seul but : abattre François Fillon », a réagi hier Me Antonin Lévy, l’avocat du candidat malheureux à la présidentielle. L’indépendance de la justice est, at-il dit, « un sujet ».
Le député LR Éric Ciotti, qui a évoqué « une orchestration visant à abattre le candidat de la droite républicaine », a demandé à Emmanuel Macron de saisir le Conseil supérieur de la magistrature et à Nicole Belloubet de saisir le parquet.
Mais les magistrats rappellent que la procureure générale de Paris Catherine Champrenault a agi « dans un cadre légal » avec le PNF.
Pour Céline Parisot, présidente de l’union syndicale des magistrats, il est « dommage qu’éliane Houlette laisse penser que ces demandes du parquet général étaient anormales, alors que c’est le fonctionnement habituel entre le parquet et le parquet général : c’est permis par les textes ».
« Le problème », pour la responsable syndicale, « c’est le statut du parquet, que l’on dénonce depuis des années ». « L’indépendance du procureur général est un peu fictive puisqu’il relève directement du ministère de la Justice ».
Emmanuel Macron avait annoncé une réforme pour que les procureurs soient nommés, comme les juges, sur « avis conforme » du Conseil supérieur de la magistrature (Csm), organe indépendant.
Dans la pratique, c’est déjà le cas depuis 2012. Mais en théorie, l’exécutif peut passer outre l’avis du Csm, ce qui alimente quotidiennement des soupçons d’instrumentalisation politique des poursuites. Cette réforme a été repoussée sine die.
Devant la commission d’enquête, Éliane Houlette avait résumé : « Le parquet, c’est une réalité objective, est sous le contrôle de l’exécutif ». Elle avait décrit « une culture de dépendance, de soumission », car les magistrats sont soumis au ministère pour « la gestion de leur carrière, dans le processus de nomination, qui manque de transparence ».