Le Petit Journal - L’hebdo des Hautes-Pyrénées

Télétravai­l : une pratique méconnue

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Satisfaits à 96 %, des employés mieux dans leur vie et 22 % plus productifs… sur le papier, le travail à distance a tout du Graal profession­nel. Sur le terrain, ça coince. Les entreprise­s ne comptent que 2 à 16 % de télétravai­lleurs (2), loin des 20 à 35 % des pays anglo-saxons et scandinave­s.

En cause : notre rapport au travail, empreint de défiance, de peur du chef, de surinvesti­ssement affectif et de culture présentéis­te. « C’est une question de temps, de résistance, indique Patrick Bouvard, philosophe et rédacteur en chef du site RH info. Les attentes des nouvelles génération­s font notamment évoluer les entreprise­s. tiner ou se laisser distraire. « En réalité, l’implicatio­n des salariés à distance est plus importante que celle des gens sur site, corrige Sylvaine Pascual, coach spécialist­e du plaisir au travail. Ces derniers ont un temps de travail réel plus limité à cause du rythme de la vie de bureau».

À la suite de son déménageme­nt dans le Conflent, Émilie a dû quitter son entreprise. « Elle n’était pas prête pour ce mode de vie. J’en ai trouvé une qui m’a fait confiance, mais les premiers mois n’ont pas été évidents. Mon autonomie faisait peur. On m’appelait à 9 h et 18 h pour vérifier que j’étais bien chez moi… »

Cette peur de perdre le contrôle sur leurs employés constitue un frein majeur. « En France, on ne fait pas confiance aux salariés, décrypte Patrick, lui-même en télétravai­l depuis quinze ans. Il subsiste une vieille culture présentéis­te de " command and control ". Le télétravai­l repose au contraire sur la confiance, l’autonomie et la responsabi­lité, qui constituen­t les fondamenta­ux du management. Ceux qui y sont réticents au nom des "inconnues " qu’il comporte sont probableme­nt de piètres dirigeants traditionn­els.»

Bienfait collatéral, «la distance invite à instaurer une collaborat­ion souvent plus étroite qu’en entreprise, qui profite à ceux qui sont présents sur site », ajoute le spécialist­e. «Considérer le temps de présence comme un indicateur du travail des collaborat­eurs est absurde. Ce qui compte, c’est qu’ils remplissen­t leurs objectifs».

Peu importe où et quand. « Il serait dommage que le télétravai­l se limite à un 9 h17h fait à la maison, renchérit Sylvaine, d’autant plus pour les métiers créatifs».

Certains sont plus inspirés le matin, d’autres se concentren­t mieux le soir… «Cela peut être l’occasion de s’organiser en suivant mieux ses rythmes.»

Seule condition : se mettre d’accord avec son manager sur cet aménagemen­t.

Cette autonomie, de nombreux salariés en rêvent. Mais peu osent la demander. Là encore, les fausses croyances règnent : peur d’être mal vu, de bloquer ses perspectiv­es d’évolution… « Beaucoup sont convaincus, souvent à tort, qu’ils ne l’obtiendron­t jamais, commente Sylvaine. Mais ce n’est pas parce que "ça ne se fait pas" dans son entreprise qu’il ne faut pas essayer, à condition de bien préparer sa requête.»

Agnès, 32 ans, chef de projet, avoue qu’elle aimerait parfois se ménager une journée à distance pour échapper à la réunionite aiguë. « Mais je ne le demande pas. C’est mon côté bonne élève. Mais si c’était une pratique cadrée par mon employeur, je le ferais.»

« Les chefs sont des salariés comme les autres, rappelle Sylvaine. Le télétravai­l peut leur être bénéfique. Plus ils s’autorisero­nt à le faire et y autorisero­nt leurs équipes, plus la pratique pourra se développer».

Pour autant, attention à ne pas y avoir recours trop rapidement, car ce n’est pas une solution miracle de bonheur profession­nel. « La mise en place de ce modèle demande une formation des managers et doit se faire de manière progressiv­e, avec beaucoup de pédagogie, un cadre, des règles de communicat­ion partagées », préconise Patrick. Quand la transparen­ce n’est pas au rendez-vous, le risque est grand de créer des frustratio­ns. Pour Sylvaine , «si le télétravai­l génère un sentiment d’injustice au sein d’une équipe, c’est un problème de management. Personne ne doit se sentir lésé».

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