Le Petit Journal - L’hebdo des Hautes-Pyrénées

Deux champions des Pyrénées du Ski Club de Campan

Les grandes affaires criminelle­s en Bigorre par Maître Fourcade dit Coudache

- AMM

( suite du numéro précédent)

Arrivé dans celle-ci, proche de la guillotine, le condamnéa la possibilit­élégale :

d’écrire une dernière lettre à ses proches de faire une déclaratio­n de s’entretenir avec l’aumônier qui pourrait l’écouter en confession et lui donner la communion

enfin, de fumer une ou deux cigarettes et de boire un verre d’alcool fort.

Priéto et Ramiro ont le temps de s’entretenir quelques minutes avec l’aumônier et, selon certains témoins, ils communient après s’être repentis. L’officier du culte trace un signe de croix sur les deux hommes et cède la place à l’exécuteur qui, muni d’une paire de ciseaux, découpe le col de leur chemise ainsi que les cheveux qui recouvrent la nuque. Il tend ensuite aux deux hommes une cigarette qu’ils refusent et leur propose un verre d’alcool qu’ils boivent. Dans le couloir, personne ne dit un mot, chacun fuit le regard de l’autre tandis que le directeur de la prison ne cesse de re- garder sa montre. Tout le monde quitte la pièce dont une porte donne directemen­t dans la cour où la guillotine a été installée.

Chacun des présents sait qu’àpartir du moment oùle prisonnier voit la guillotine, il faut aller très vite.

D’après les dires des témoins qui assistent de droit à la scène, le Procureur Fabre, qui a pourtant requis la peine de mort à l’encontre des trois principaux accusés, se tient en retrait derrière les arbres afin d’éviter, au mieux, l’horrible spectacle.

A tour de rôle, les gardiens plaquent Priéto et Ramiro contre la bascule. L’exécuteur Desfournea­ux se tient à côté du montant droit, près du « déclic » , le levier qui libèrera « le mouton » , c’est-à-dire le poids où est fixée la lame affûtée. L’un des assistants se place face àla lunette, derrière le paravent de bois, qui le protègera des éclaboussu­res. Le troisième fait pivoter la bascule et la pousse sur des roulements qui amènent la tête au-delà de la lunette. Le bourreau en chef laisse tomber la partie haute de la lunette, qui, en écrasant la nuque, étourdit le condamné. L’assistant qu’on surnomme le photograph­e, situé en face du condamné, saisit la tête entre ses mains. L’exécuteur en chef abaisse le déclic. On entend successive­ment un bruit de roulement suivi d’un bruit ressemblan­t àun coup de marteau sur une planche et deux bruits d’éclaboussu­re : deux jets de sang ont gicléde chaque côtésur les pavés de la cour. Priéto et Ramiro en ont fini avec la vie terrestre.

A peine la lame est-elle tombée que l’assistant soulève un côté de la bascule faisant ainsi chuter le corps dans la corbeille en osier. Le « photograph­e » y dépose la tête et referme le couvercle.

Le gardien-chef présente au chef d’établissem­ent le procès-verbal d’exécution ; celui-ci le signe et le remet au représenta­nt du Parquet.

« C’est terminé. Merci messieurs » conclut le chef. Les avocats, poussés par une courtoisie machinale et irréfléchi­e, serrent rapidement la main des personnes présentes et se dirigent aussitôt vers la sortie, n’ayant pas le coeur de commenter l’événement. Les assistants de l’exécuteur nettoient déjà la cour et commencent le démontage de la guillotine.

Sur le trottoir de la rue Eugène Ténot, devant la prison, les journalist­es sont plus nombreux,

la nouvelle de l’exécution s’étant répandue. Les avocats n’ont pas le courage de commenter, sur le moment, ce qu’ils viennent de vivre. Ils pressent le pas pour regagner leurs cabinets respectifs et tenter d’oublier la scène àlaquelle ils viennent d’assister.

Ce matin du 31 janvier 1948, La Nouvelle République des Pyrénées titre :« Après l’assassinat de Gandhi- une foule immense aux funéraille­s de l’apôtre de la paix – la disparitio­n du Mahatma fera-t-elle rebondir le conflit qu’il avait apaiséentr­e les deux Indes ? »

Le troisième complice, J osé Sanchez, sera exécuté quant à lui, selon le même mode opératoire, le 23 avril 1948 à 5 heures du matin, accompagné jusqu’à l’échafaud par l’abbéEtchep­arre ; selon les témoins qui ont assisté à l’exécution, le condamné a refusé la cigarette mais a consenti à boire le verre d’alcool ; il est mort courageuse­ment.

C’est donc le 23 avril 1948 que, pour la dernière fois, « les bois de justice» seront installés en Bigorre. Un ouvrier agricole des environs de Bénéjacq sera, lui aussi, condamné à mort le 16 mars 1954 par la Cour d’Assises de Tarbes pour assassinat et cambriolag­es ; mais la Cour de Cassation cassera cet arrêt pour vice de forme et renverra le dossier devant la Cour d’Assises de Foix qui, dans son arrêt du 30 novembre 1954, condamnera le sieur Robert Salagnac à la peine des travaux forcés à perpétuité. La guillotine sera démontée et détruite. Le 9 octobre 1981, àl’initiative de Robert Badinter, alors Ministre de la J ustice, Garde des Sceaux, sera signéle décret de promulgati­on de la loi portant abolition de la peine de mort. La dernière exécution en France remonte au 10 septembre 1977 ; c’est la dernière exécution capitale de toute l’Europe occidental­e.

Mais qu’avaient donc pu faire ces trois sujets espagnols pour avoir été condamnés à la peine capitale ? Pourquoi les jurés de la Cour d’Assises de Tarbes ne leur ont-ils reconnu aucune circonstan­ce atténuante qui leur aurait permis de sauver leur tête ? ( la suite dans le prochain numéro)

 ??  ?? La Cour de Cassation
La Cour de Cassation
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La Prison de Tarbes.
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L’avocat Général en tenue

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