Le Petit Journal - L’hebdo des Hautes-Pyrénées

La lessiveuse de la Mort

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A défaut d’aveux tranchés, il existe contre les deux accusés des preuves lourdes et accablante­s de même qu’un ensemble de présomptio­ns graves, précises et concordant­es permettant de penser que le meurtre de Laran a été prémédité par les amants diabolique­s et qu’il a été accompli par les deux.

Il apparaît de surcroît que le mobile du crime est crapuleux : récupérer la reconnaiss­ance de dette et ne pas avoir à rembourser le prêt de 250.000 francs. De plus, les experts psychiatre­s n’ont reconnu à Fouraste et à la femme Lapierre aucune circonstan­ce atténuante tirée de leur état mental qui, lui, est normal.

Le spectre de la peine de mort plane dans la salle d’audience. Les rires de l’assistance provoqués par la déposition de Basiline Pascaud se sont tus et les visages sont tout à coup devenus graves, même et surtout dans le box des accusés et sur le banc de la défense.

L’instructio­n du dossier à la barre de la cour est achevée ; les pièces à conviction ont bien été montrées aux jurés. Tout le monde attend désormais avec impatience quelles seront les réquisitio­ns de l’avocat général ; va-t-il ou non requérir la peine de mort contre l’un des accusés ou contre les deux et quels arguments les avocats de la défense vont-ils développer pour sauver la tête de leurs clients ?

Conforméme­nt au Code de Procédure Pénale, c’est à l’avocat des parties civiles qu’il appartient de prendre la parole en premier. Maître Charier plaide donc au profit des enfants de Laran et curieuseme­nt, s’il trouve dans la vie de Fouraste, quelques éléments pouvant atténuer sa responsabi­lité, en revanche à l’encontre de la femme Lapierre, il se livre à un véritable second réquisitoi­re ne lui trouvant aucune excuse. Il l’accuse d’avoir tenté d’empoisonne­r Laran en faisant deux pâtes à crêpes différente­s, l’une pour Fouraste

et Basiline Pascaud et l’autre, mêlée de gardénal, pour la victime.

L’avocat accuse la femme Lapierre d’avoir voulu se débarrasse­r d’un pensionnai­re devenu encombrant et inutile à la veille du déménageme­nt à Auch et, pour y parvenir, d’avoir usé de son autorité sur Fouraste.

Après avoir minutieuse­ment démontré que Bisighini, accusé à tort par Fouraste, n’était pour rien dans le meurtre de Laran, sauf peut-être une complicité dans le dépeçage, Maître Charier ne trouvant chez les accusés aucune circonstan­ce atténuante achève sa plaidoirie par un premier coup de massue pour la défense en s’exprimant ainsi : « Laran, par mon organe, demande que justice soit faite sans aucune atténuatio­n quelconque. Il ne sera pas concevable qu’on puisse excuser Fouraste et Lapierre. »

Une première brèche dans le système de défense adopté par les accusés. Tout au long de son interventi­on, l’avocat des parties civiles, avec une rigueur intellectu­elle sans faille, démontre que Fouraste et la femme Lapierre ont bien assassiné ensemble Laran et que ce crime a été largement prémédité.

L’avocat général Monsieur Destouet, pour le compte de la société, va enfoncer le clou et démontrer que les charges relevées contre les deux accusés sont largement établies. Pour lui, le crime a été commis en deux étapes : une étape de préparatio­n par la femme Lapierre et une étape d’exécution par Fouraste. Il rappelle que celui-ci a reconnu avoir donné la mort à Laran par étouffemen­t alors que le vieillard était dans un état comateux vraisembla­blement causé par l’absorption de gardénal dissimulé dans la pâte à crêpes. L’avocat général voit tout naturellem­ent dans l’achat de soude caustique par Marie Lapierre une preuve accablante établissan­t une nouvelle fois la préméditat­ion et la complicité.

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