Le Petit Journal - L’hebdo des Hautes-Pyrénées
AVC, infarctus : sur la trace des malades «disparus»
En mars-avril, les hôpitaux et les Samu ont enregistré une chute brutale du nombre de malades victimes d’Avc et d’infarctus.
Que sont-ils devenus? La peur de l’épidémie est-elle la seule cause de la chute brutale, inédite, constatée dans tout le pays, du nombre de prise en charge des AVC, des infarctus, des urgences cardiovasculaires?
"Sauvés" ou tués par le Covid? Rappelons d’abord que des AVC, il s’en produit en temps normal 150 000 chaque année en France. Un toutes les 4 minutes.
Avec 40000 morts, c’est la première cause de handicap acquis chez des patients qui gardent des séquelles lourdes.
Quant à l’infarctus du myocarde, il frappe annuellement 120 000 Français, provoquant 18000 décès.
Mais depuis la mi-mars, une grande partie de ces malades est sortie des radars.
Mais alors, "ces malades qui avaient besoin de nous, que sont-ils devenus ?" Ils préfèrent rester chez eux en se disant que ça va passer. Du coup, on a reçu des malades avec des complications qu’on ne voyait plus depuis 20 ans. Qui a peiné à faire accepter à certains de ces patients une intervention qui ne pouvait plus attendre.
Fin avril, la société française de cardiologie et la société française de neurologie ont diffusé un communiqué commun à l’adressedes patients, les exhortant à consulter de toute urgence en cas de symptômes.
Les effets de ces retards de prise en charge font l’objet d’une étude à paraître dans la revue Archives of cardiovascular diseases.
Le Pr François Roubille, chef des soins intensifs cardiologiques au Chu de Montpellier montre que la forte diminution de consultation cardiologique s’est traduite par une flagrante augmentation des communications interventriculaires (Civ) et des chocs cardiogéniques générés par un infarctus dont l’artère responsable n’a pas été désobstruée. "Nous avons, pour la première fois, mesuré une baisse de l’ordre de 40% de la fréquentation des urgences cardiaques dans neuf centres à Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier,
Nîmes, Paris, et Toulouse", explique le spécialiste dans Le Quotidien du Médecin. "Normalement, le délai maximum de prise en charge après un infarctus, de sorte que l’on puisse le traiter par une désobstruction de l’artère responsable, est de 6 heures.
Nous recensons actuellement les cas dans la perspective d’une prochaine étude… tout en sachant que demeure une autre inconnue : le nombre de personnes décédées à leur domicile à cause d’une de ces crises", détaille le Pr Roubille.
Pourtant la mortalité à domicile, hors Covid, n’a pas augmenté de façon significative pendant le confinement en Occitanie.
Des malades "disparus" ?
Se pourrait-il alors qu’au moins une partie de ces malades ait réellement "disparu": c’est-à-dire que des Avc et des infarctus ne se soient pas déclarés du fait du confinement ? Éloignés de leur travail et du stress qu’il génère, empêché de pratiquer du sport de manière intensive passé un certain âge et sans contrôle médical, un certain nombre deFrançais auraient-ils échappé à l’accident cardiaque ou neurovasculaire ? Indirectement sauvés par le Covid, du moins momentanément? L’hypothèse
n’est pas à exclure et elle est aujourd’hui à l’étude. "Moins d’activité, moins d’énervement, pas d’effort physique : il est possible que le confinement ait joué un rôle", estime le Dr Puget. Qui suggère une troisièmepossibilité: "peut-être aussi qu’un certain nombre de ces malades qu’on n’a plus vus sont… morts du Covid? Les problèmes cardio-vasculaires et l’âge font partie des facteurs de risque. Or, il y a eu une forte surmortalité des personnes âgées durant cette période".