Le Petit Journal - L’hebdo des Hautes-Pyrénées
« COMMENT ONT-ILS OSÉ ? »
Il prend toutefois sagement le soin d’envisager que les jurés répondent par l’affirmative à toutes les questions et, pour éviter que la peine capitale soit prononcée, il demande que soit envisagée l’application des circonstances atténuantes, ce qui ramènerait la peine aux travaux forcés à perpétuité.
Cette plaidoirie sera qualifiée de remarquable par la presse locale même si certains arguments avancés par Maître Cauzette étaient en totale contradiction avec les faits objectifs.
Il est 16 h 10 lorsque le ténor parisien Maître Floriot se lève et prend la parole au profit de la femme Lapierre et de sa cause désespérée.
Plaidoirie remarquable de clarté et d’un intérêt soutenu, passionnante comme un roman policier titrera la presse locale, mais ce n’est une surprise pour personne tant le talent de l’avocat est reconnu dans tout le pays. Le ténor va tout d’abord asséner quelques vérités qui ne manqueront pas de déstabiliser l’accusation. Tout d’abord, il va rappeler aux jurés de ne se prononcer que sur des certitudes absolues et ce d’autant qu’une vie est en jeu ; il rappellera que le moindre doute doit bénéficier à l’accusée et que sa cliente, la femme Lapierre ne saurait être déclarée coupable ou complice du meurtre de Laran que si des preuves formelles sont rapportées à son encontre.
Mais surtout, l’avocat insistera sur le fait que ce qui a passionné l’opinion publique, ce sont les scènes de dépeçage et de cuisson du cadavre. Or, de tels agissements accomplis sur le corps d’une personne déjà morte ne constituent, en droit, que le simple délit de recel de cadavre puni de la peine de deux ans d’emprisonnement au maximum et ce qui est puni de la peine de mort, c’est l’acte d’homicide luimême accompli avec préméditation.
Si Marie Lapierre ne saurait contester utilement avoir participé ou assisté au dépeçage du cadavre, pour autant, selon Maître Floriot, il n’existe aucune certitude quant à sa participation au meurtre.
Abordant le passé agité de sa cliente et les soupçons d’empoisonnements de plusieurs vieillards qui pesaient sur elle, le brillant avocat va tout d’abord rappeler qu’aucune charge n’a jamais pu être relevée à son encontre en dépit des examens toxicologiques pratiqués.
.L’avocat rappellera que Fouraste a toujours déclaré qu’il avait agi seul lors de la perpétration du meurtre. De plus, s’agissant du gardénal qui aurait été administré à Laran pour l’empoisonner, la défense démontre que si Marie Lapierre avait eu l’intention de droguer Laran avec ce produit, elle aurait utilisé les deux tubes qui étaient en sa possession alors qu’à l’occasion de la perquisition pratiquée à son domicile on a retrouvé un tube vide et un tube plein. Enfin, s’appuyant sur les conclusions du rapport toxicologique du professeur Griffon, Maître Floriot démontre que la quantité de barbiturique retrouvée dans les urines de la victime n’atteignait pas le sixième de la dose mortelle, ce qui ne pouvait que mettre hors de cause Marie Lapierre dans la commission du meurtre lui-même.
Abordant la dernière partie de sa plaidoirie, l’avocat parisien, qui pourtant n’avait pas ménagé le coaccusé Fouraste tout au long des débats, va alors tenter de lui éviter la peine capitale en posant le problème sur un plan humain et de simple logique.
Pour Maître Floriot, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un meurtre d’ivrogne. S’étant levé pour boire à 3 heures 45 le matin du crime, Fouraste, qui n’a rien prémédité, dans un réflexe de brute irritée et alcoolisée, lassé des perpétuelles réclamations de Laran quant à l’argent prêté à sa maîtresse, il étouffe le vieillard avec le couvrepied et remonte se coucher.