Le Petit Journal - L'hebdo du Lot-et-Garonne
LA FIN DES BOUILLEURS DE CRU
Les tournées ne se font plus comme avant...
Lorsqu’il était gamin Guy Riffaud accompagnait son grand-père de village en village… Son grandpère Aramis était distillateur ambulant. Chaque semaine il arrivait avec son alambic dans un village. Il s’installait dans une cour de ferme, sur une place du village… Enfin là où se trouvait un puits ou une prise d’eau, là où on avait pu lui mettre une quantité importante de bois… Allait alors se produire cette merveilleuse transformation : fruits ou vin allaient par la magie de la chaleur se transformer en eau de vie…
Chaque fois qu’Aramis arrivait dans un village c’était la fête… Toute la vie s’arrêtait dans le village. Tout le monde se retrouvait autour de l’alambic On arrivait qui avec des saucisses, qui avec de la viande… et pendant trois quatre ou cinq jours tandisque le bois chauffait la marmite centrale de l’alambic, tandisque lentement se réalisait la mutation, le village était en fête.… Il a gardé le souvenir de ces moments, Guy… Le temps a passé… La passion du gamin, c’était la musique… Il a commencé à étudier le cor à Bordeaux… Il le savait son avenir serait musical… Et cela n’a pas été… Le jour où Aramis a quitté ce monde , il a fallu que Guy se décide très vite. Son père se refusait à assurer la succession du grand’père… Que fallait-il faire ? Les larmes aux yeux, Guy a pour toujours rangé son cor dans son étui. Il a continué le travail d’Aramis… En 2019 il poursuit la tradition familiale. Mais les choses ne se font plus comme avant.
POURQUOI ?
Depuis 1960 le privilège que Napoléon avait voulu offrir à ses grognards ne se transmet plus… C’était quoi ce privilège ? Napoléon avait accordé un privilège d’exonération de taxes pour la distillation de 10 litres d’alcool pur ou pour 20 litres d’alcool à 50°. Ce privilège était héréditaire… Hélas, en 1960… le législateur a voulu empêcher que l’alcoolisme ne se propage dans les campagnes…. Il a supprimé cette transmission. Les lobbies ont eux aussi pesé sur cette décision… Qu’importe qu’il pleuve qu’il neige ou qu’il vente, Guy poursuit son activité… Hélas, un jour viendra où plus personne ne pourra plus faire distiller sa production… Les tournées ne se font plus comme avant. A Duras il restait une semaine. Aujourd’hui : c’est fini !
ALORS POURQUOI COCUMONT ?
Cocumont possède une association : patrimoine et tradition… Un certain Michel Rippes s’est mis en tête de faire venir Guy Riffaud. Il a réussi. Depuis trois ans le distillateur arrive avec sa machine. Il s’installe dans les ateliers municipaux et… une fois encore le miracle se produit ! Il est arrivé en cette matinée du 12 février… et il a distillé avec Jacques celui qui l’aide depuis tant d’années… Se sont retrouvés autour de l’alambic Philippe et Françoise Ploquin du magazine tarn et garonnais « Gourmandise », Gérard Baud le restaurateur bordelais, une équipe de tournage de FR3 Aquitaine venue travailler sur « l’occitan à Cocumont » , un cuisinier Jean-Noël Duranteau et quelques personnes possédant encore le « privilège »… Le vin s’est transformé en eau de vie, tandisque de part et d’autre de la table quelques privilégiés avaient la chance de déguster une poule au pot sublime et une entrecôte goûteuse, remarquablement cuite… Et l’an prochain ? Il reviendra Guy Riffaud. Mais, il le sait son métier est hélas – à plus ou moins brève échéance- condamné à mort.