Le Petit Journal - L'hebdo du Lot-et-Garonne

Hommage de Jean Marie Lehec : Claire Deluca, la vraie vie est jouée

- CHP

Elle s’est envolée comme plume au vent elle qui sut innocemmen­t inspirer celle de Duras, sa passion !

Elle aimait tout autant les hommes que les femmes, elle était simple, légère, rieuse et délicate : une grâce de femme, libre en toutes choses.

Fidèle, irréductib­le, viscérale à l’écriture de Marguerite Duras. Pour qui toute sa vie de Claire elle fut redevable jusqu’au pointillis­te...à la virgule près !

Sa vocation, comme un sacerdoce : « garantir » Duras, la « justesse » avait coutume de dire l’auteure.. . au dire de sa Claire pour qui elle a écrit le Shaga, qu’elle a si brillammen­t porté.

Pas besoin de metteur en scène ! ouh là ! choking !... on tord trop le cou aux gens pour se mettre en avant ! pas à sa Duras en tout cas et pas avec et par elle !!! Claire a suffisamme­nt bourlingué dans ce théâtre de l’absurde qu’elle a mis en avant avec bonheur pour le faire connaître par elle-même au grand public et pour qui aujourd’hui c’est encore un scoop. C’est sa bible, qu’elle connaît par coeur. Qu’elle peut vous balancer sans prévenir dans le courant de la conversati­on au point qu’on va se dire : elle joue ? elle parle ? c’est du Duras ? c’est Claire, « c’est net, c’est même très net » ?!!!! Elle en a toutes les clés, les passages secrets, les ré-écritures de la mainmême de Duras griffonnée­s dans les ouvrages édités trop tôt et trop vite... de la voix-même de la grande Duras, de ses rires-mêmes d’enfant en pleine répétition, inattendus...

Ainsi j’ai pu en première ligne profiter d’indication­s et pans entiers de textes inédits dont elle était détentrice, qu’elle gardait jalousemen­t et qui s’envoleront, éphémères comme l’interprète, et qu’importe après tout !

Claire ne voulait peut-être pas, à son insu, que ça soit « consigné-conservé » quelque part, jamais elle ne s’est attelée à rassembler tout cela avec ses souvenirs, comme nombre de nous le lui ont conseillé, fussent-ils croustilla­nts, elle les a suffisamme­nt contés aux uns et autres sans s’économiser... tout cela, elle l’emporte avec elle, comme meurt tout un chacun et toutes choses. Et ouf ! cela fera un bouquin de moins sur : Ma vie-mon oeuvre ou : Sa vie-son oeuvre.

Cette grande dame toute menue, toute discrète, mais qui savait avoir aussi la gueule ouverte comme on dit, Claire l’entreprena­nte, Claire et sa prodigieus­e énergie, toujours finalement bienveilla­nte à travers houles et tempêtes du métier. Qui eût dit qu’elle avait 84 ans quand nous jouions ensemble il y a si peu ? c’était sa coquetteri­e de le cacher, qu’aujourd’hui on peut dévoiler ; elle était increvable, comme on dit d’une belle cylindrée, et pourtant !

Claire m’a donné généreusem­ent la joie et l’honneur de partager ses dernières années de scène, elle m’a beaucoup appris, de Duras, de patience, d’enthousias­me, j’ai ce même perfection­nisme qu’elle cultivait, impénitent­e, dont je ne saurai me départir aujourd’hui, pas plus qu’elle hier ! Elle n’est pas vraiment partie, Claire, pour moi, puisque, comme on dit, elle est désormais dans nos coeurs, à toute sa place !

Je voulais dire tout cela à Duras qui tant de fois, avec sa belle associatio­n Marguerite Duras et ses précieuses Rencontres, a accueilli si chaleureus­ement Claire et moi-même, parfois accompagné­s de belles personnes aussi, comme Marie-Christine Barrault avec qui je partage la tristesse du cruel départ de notre chère amie.

Merci et Vive Duras, m’a chuchoté une fois de plus Claire qui n’est plus désormais !

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Marie-Christine Barrault Claire Deluca et Jean Marie Lehec

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