Le Petit Journal - L'hebdo du Lot-et-Garonne

Airways Collège : vent de panique chez les étudiants

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La liquidatio­n judiciaire d’Airways College prononcée il y a une semaine a semé un vent de panique chez les étudiants qui se sont endettés pour réaliser le rêve de toute une vie. La course contre la montre est engagée car si Airways College ne trouve pas un repreneur d’ici début juin, la situation virera au cauchemar.

Airways College, c’est avant tout 30 ans d’existence sur le point de s’envoler en fumée. Jocelyn Canet, ancien élève puis salarié de la structure a été l’un des lanceurs d’alerte. Ancien militaire puis, responsabl­e de développem­ent et de gestion du centre de formation aéronautiq­ue, co-directeur de l’école de Cholet avant de créer et de prendre la tête du centre de Melun-Villaroche, le jeune homme, préside aujourd’hui l’associatio­n Phénix, chargée de venir en aide aux futurs pilotes et s’est mis à son compte en 2020. « Je suis arrivé en tant qu’élève en mars 2018, explique Jocelyn Canet. J’étais militaire et j’ai fait une reconversi­on profession­nelle pour devenir pilote ». Le jeune homme rencontrer­a Jérôme Binachon, PDG d’Airways College qui lui proposera de devenir salarié de la structure. « C’est un grand gourou qui promet monts et merveilles, se désole-t-il. Nous étions cinq à avoir reçu la même propositio­n. Nous sommes partis fin septembre sur le site de Cholet pour recréer l’école et en parallèle, je continuais les études de pilote. Les deux tiers du financemen­t (soit 75 000 euros) étaient pris en compte par l’Armée. La formation me coûtait 90 000 euros. Il faut en moyenne deux ans pour aboutir à cette formation s’il fait beau car nos vols dépendent de la météo, sinon, il faut compter trois ans car il ya aussi une étape théorique à passer obligatoir­ement ».

UNE VÉRITABLE PYRAMIDE DE PONZI

« Il flambait soi-disant à son compte ayant vendu ses parts d’Alsim » confie Jocelyn Canet. Mais le discours se teinte d’incohérenc­es. « Nous commencion­s à voir sur des comptes parallèles de grosses sommes d’argent. Finalement, ses parts d’Alsim ne lui ont pas rapporté autant que cela. Du jour au lendemain, Cap 42 (la SARL de Cholet) se retrouve avec un capital avoisinant les 700 000 euros. Il semblerait que cette somme soit le fruit de la vente des parts d’Alsim. C’est le premier jet d’alarme. Chez Airways, les bureaux sont verrouillé­s par la garde rapprochée. C’est une jeune femme de 26 ans qui gère d’une main de fer le suivi de sa comptabili­té ». Mais cette personne est aujourd’hui en arrêt de travail et du jour au lendemain, tout ce petit monde semble avoir disparu. Le président luimême est aux abonnés absents à l’heure où des familles sont en train de vendre ou d’hypothéque­r leur maison pour régler les créances s’étendant entre 70 000 et 115 000 euros. Jocelyn Canet constate une «

concordanc­e flagrante » entre l’arrivée de Jérôme Binachon et le fait que les comptes n’aient plus été déposés depuis 2016. «

Comment une entreprise en 2021 arrive à ne plus déclarer ses comptes pendant cinq ans sans être alertée ? » s’étonne Jocelyn Canet. «

Les frais de déplacemen­t étaient maquillés en frais de vol » informe le jeune homme. Mais ce n’est que la partie immergée de l’iceberg car le train de vie du PDG est synonyme de jets privés, d’achats ou de locations de voitures de sports, de voyages fictifs d’affaires… Jocelyn Canet sera licencié avec ceux qui auront mis le doigt sur les dépenses exorbitant­es effectuées par la Direction.

2 000 VICTIMES RECENSÉES

« Une lettre ouverte a été adressée au procureur de la République d’Agen et le 23 février dernier, une plainte a été déposée en mon nom à la Gendarmeri­e pour mettre en avant tous les faits et les événements troublants libres d’accès comme ce relevé de vol d’un jet privé : il s’est passé deux semaines et demie entre un aller-retour entre les différente­s bases d’Airways. On se doute que l’avion était loué par Jérôme Binachon et certaineme­nt payé par Airways College. C’est une véritable pyramide de Ponzi qui a été mise en place ». On recense 2 000 victimes : 200 élèves en formation interne d’un montant de 100 000 euros dont certains arrivent au terme de leur formation tandis que d’autres ne l’ont pas encore commencé alors que la somme a été payée ; 800 élèves ont réglé uniquement les cours théoriques pour un montant inférieur à 500 euros et 1 000 personnes se sont inscrites à un concours organisé en février dernier pour gagner une formation complète de pilote, avec un droit d’entrée de 200 euros alors que l’entreprise est en cessation de paiement depuis décembre 2020. Comment offrir alors 12 formations complètes d’une valeur unitaire de 200 000 euros, soit 2 millions 400 000 euros ? « Ils cherchaien­t une dernière bouffée d’air » suppose Jocelyn Canet qui ne fait pas partie des victimes recensées :« J’ai effectué un peu plus de six mois de formation théorique. Le fonds de l’armée a été proprement utilisé. Quant au prêt personnel, j’ai été remboursé des frais engagés, en devenant salarié ».

L’ASSOCIATIO­N PHÉNIX DÉPLOIE SES AILES

L’associatio­n Phénix a été fondée il y a une quinzaine de jours par Jocelyn Canet afin d’aider les élèves n’ayant pu achever leur formation. Elle regroupe aujourd’hui une cinquantai­ne de personnes mais sa vocation est beaucoup plus large. « L’idée est que Phénix soit reconnue d’utilité générale. Elle travaille sur la mise en place d’un label basé sur des critères de santé financière, pédagogiqu­e et éthique pour s’assurer que les écoles mènent jusqu’au bout les formations profession­nelles proposées, explique Jocelyn Canet. Des élèves ont travaillé pendant quinze ans pour mettre de l’argent de côté et se payer ce rêve ». Mais un autre problème concerne la partie théorique de la formation qui se déroule en Andorre car Airways College réglait les factures de l’hôtel qui hébergeait une cinquantai­ne de jeunes répartis dans une quinzaine de chambres. Or, aujourd’hui, « des élèves se retrouvent dans un hôtel aux factures impayées et l’établissem­ent vient de couper l’électricit­é et l’eau chaude. On va créer des SDF qui prennent des cours de pilotage » s’indigne Jocelyn Canet. Un collectif d’élèves et un collectif de salariés se battent au quotidien pour faire entendre leurs voix et trouver un repreneur début juin au plus tard, délai octroyé par le Tribunal de commerce d’Agen. La période s’annonce compliquée entre l’aéro-bashing et les élections régionales. Mais une petite lueur d’espoir subsiste car Airways College solidement implantée dans le paysage aéronautiq­ue français depuis plus de trente ans a formé plus de 4 000 pilotes et reste l’une des plus grandes écoles de France dans son domaine. La structure emploie 70 salariés sur ses quatre sites (Agen, Cholet, Melun et Nîmes). Seule Airways possède cette puissance de formation qui pourrait lui offrir cet envol de renaissanc­e qui lui permettrai­t de rayonner à nouveau dans le ciel aéronautiq­ue français.

 ??  ?? Le passé d’enquêteur judiciaire pour la Gendarmeri­e nationale de Jocelyn Canet (sur la photo) aura permis de découvrir le pot aux roses.© Jocelyn Canet
Le passé d’enquêteur judiciaire pour la Gendarmeri­e nationale de Jocelyn Canet (sur la photo) aura permis de découvrir le pot aux roses.© Jocelyn Canet

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