Le Petit Journal - L’hebdo local de l’Ariège

Traumatisé : Jim a perdu son oeil droit

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"Maintenant mon combat, c'est les violences policières": Jean-marc Michaud...

Grand-sud. «Maintenant mon combat, c’est les violences policières»: Jeanmarc Michaud, dit «Jim», n’a plus d’oeil droit. La faute, assure-t-il, à un tir de lanceur de balles de défense en marge d’une manifestat­ion des «gilets jaunes» le 8 décembre à Bordeaux.

Malgré tout, cet horticulte­ur de 42 ans continue de manifester. Il était dans le cortège bordelais le 22 décembre «pour l’acte 6», deux semaines après sa blessure, puis aux actes «7, 8, 10 et 11». Et il compte bien revenir samedi pour le 13e épisode et prépare sa plainte. «C’est à Bordeaux que je me suis fait shooter, c’est ici que j’ai mes amis maintenant et c’est ici que je continuera­i la lutte», confie-t-il à sa sortie d’hôpital à Bordeaux, où son oeil lui a été retiré le week-end dernier, pendant l’acte 12, qu’il a suivi sur son téléphone.

LE BILAN DE SA PREMIÈRE MANIFESTAT­ION...

...bordelaise est lourd : il a aussi «le côté droit du visage enfoncé et refait en plaques de titane, des dents cassés, les sinus éclatés». Ce jour là, Jean-marc dit avoir reçu au total trois tirs de LBD en deux heures pendant la dispersion de la manifestat­ion, montrant des photos de larges ecchymoses violacées sur une jambe et une épaule. Pour lui, fini le drapeau tricolore. C’est désormais dans le drapeau noir des anarchiste­s qu’il se reconnaît. «C’est dur car j’ai fait mes armes chez les paras à Pamiers. J’ai défilé le 14 juillet sur les Champsélys­ées en 1997 pour des valeurs républicai­nes que je pensais justes à l’époque», explique-t-il la gorge serrée. «Mais maintenant le drapeau français, je lui crache dessus. J’ai honte de ces institutio­ns policières. Elles dominent les gens par la terreur». Le 8 décembre, «on était là pacifiquem­ent, pas en agresseurs». «Si j’avais voulu aller +taper+ du CRS, j’y serais allé avec 50 potes, pas avec ma petite femme», remarque-t-il. «L’image du tireur restera à jamais gravé en moi».

«MAINTENANT, QUAND JE VAIS À UNE MANIF, JE SUIS ÉQUIPÉ À LA MANIÈRE DES BLACK BLOC :

casque, masque, lunettes, protège-tibias», énumère-til. Ce n’est pas normal, convient-il, «mais le problème c’est qu’on est visé n’importe quand et que nos têtes sont, entre guillemets, mises à prix». «Merde! On a quand même a le droit de gueuler, on n’en veut plus de cette France politicard­e qui s’en met plein les poches, qui ne pense qu’aux riches», tonne Jean-marc, barbe poivre et sel fournie et bandage blanc recouvrant ce qui a été son oeil droit.

SA COLÈRE CONTRE LES FORCES DE L’ORDRE EST TELLE QU’IL N’HÉSITE PAS À DIRE TOUT HAUT:

«On monte des groupes pour être la police du peuple. Pas pour combattre les CRS mais pour protéger la population des attaques, faire face aux charges». «On peut reprocher beaucoup de chose aux gilets jaunes mais à chaque fois que ça part en c..., c’est de la faute de la police», juge-t-il, alors que les douze éditions des «gilets jaunes» se sont achevées sans exception dans la violence à Bordeaux. Jim explique se «sentir bien» physiqueme­nt et trouver du réconfort avec des messages de soutiens : «J’ai 130 demandes d’amis par jour». Mais il va devoir être suivi médicaleme­nt pendant deux ans, et concède que «c’est très compliqué». «Il y a beaucoup de choses que je ne peux plus faire. J’étais très sportif, je faisais du kayak en mer, j’allais pêcher... Je ne peux plus tailler les vignes. Je me prends les coins de mur, la porte du frigo.»

JEAN-MARC AVOUE AUSSI AVOIR DES FAIBLESSES MORALEMENT.

Il explique avoir parlé «deux fois un quart d’heure» à un psychologu­e à l’hôpital et assure qu’il «n’arrive plus à prendre sa femme dans ses bras». «Je n’arrive même pas à me regarder dans une glace, je ne me suis pas rasé depuis (sa blessure). Je ne me reconnais pas. Quand j’arriverai à m’accepter, alors j’accepterai les câlins de ma femme». Propos recueillis.

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Jean-marc Michaud, dit «Jim», n’a plus d’oeil droit.

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