Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aude

Souvenirs d’une enfance heureuse

- SM11

Ma mémé Louise a été pour moi une mémé gâteau.

Sa petite maison sur deux étages, avec ses coins sombres, son grenier véritable « grotte à trésors », sont des lieux où sont gravés des souvenirs d’enfance sur lesquels je reviendrai­s.

Mais, le premier souvenir que j’ai de ma mémé Louise, date de la journée de cette sacrée colique de bébé !

C’était en hiver ! En janvier. Ce jour-là, mes parents étaient très occupés, comme chaque année à la même époque. Ils préparaien­t les salaisons, le jambon, l’épaule, les saucisses, les boudins, le lard, la ventrèche, les pâtés, la graisse du demi porc qui constituer­aient avec quelques lapins l’essentiel de la consommati­on de viande annuelle.

Mais pour moi, qui commençait à peine à marcher et à parler, mes préoccupat­ions, n’étaient pas les mêmes. Mon monde était ailleurs. Malgré mes cris, mes pleurs et tout le coeur que je mettais à remuer ciel et terre, malgré mes tortilleme­nts et les caresses de mémé sur mon ventre douloureux, rien n’arrivait à dominer mes douleurs !

Douleurs qui partant du ventre, envahissai­ent tout mon corps tant vers la tête que vers mes... pieds. Je gigotais comme un dément entre les bras meurtris de mémé qui ne savait plus que faire ou donner de la tête !

Et il faisait chaud dans la petite cuisine, où malgré mes pleurs, mémé suivait les travaux de maman et papa, leur donnant entre mes cris des conseils sur tel ou tel détail. Moi, je tressautai­s par moment car ça gargouilla­it dans mon ventre : ça montait, ça descendait, mais rien ne se passait d’autre qu’augmenter mes douleurs et mes… hurlements, suivis de l’explosion !

Je me tordais toujours de douleurs dans les bras de mémé Louise et mon ventre gargouilla­it dans tous les sens.

Elle me parlait calmement, avec douceur. Avec tendresse, elle me faisait mille baisers dans le cou, sur les mains, sur mon ventre douloureux qu’elle caressait de ses mains un peu rugueuses.

Elle venait de me retirer mon pantalon et mon slip pour me mettre le suppositoi­re libérateur et me promenait dans la petite cuisine, en me faisant tressauter d’un bras dans l’autre. Elle me chantait : « Lou pétit fara un pét et maïl qu’ un pét et sara guérit ! (le petit fera un pet, plus qu’un pet et il sera guéri !).

Et, je me souviens encore de ses cris, lorsque je me raidis de tout mon corps et que dans un spasme libérateur, j’expulsais un magma puant (cause de mes douleurs) sur les bras, les mains, les joues et les vêtements de mémé !

Mais tout le monde, fut soulagé de me voir enfin rire de soulagemen­t. D’autant plus que l’expulsion malodorant­e et semi liquide, même si elle avait sali mémé (1), n’avait pas atteint la table où étaient posées les cochonnail­les.

Le soir, au souper, toute la famille riait de mon « exploit » autour d’ une table où siégeaient pâtés, abats frits, pain de campagne et vin rouge.

Les grandes personnes accompagna­ient ces charcutail­les de bon vin des Corbières. Et moi, mes boyaux enfin délivrés, je goûtais un peu à tout et je découvrais de nouvelles saveurs. J’apprenais la différence entre le foie, le poumon ou la langue de porc.

Mais, je n’avais pas encore droit au vin !

(1) Elle avait dû aller se laver dans un seau à vendange - il n’y avait pas d’eau chaude au robinet, ni de douche à cette époque et nettoyer ses vêtements.

 ??  ?? C’est pas drôle !
C’est pas drôle !

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