Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aude
Sacré vestiaire
Le vestiaire, quatre murs défraichis par les vapeurs de transpiration de plusieurs générations de joueurs et les volutes d’eau chaude de la douche bienfaitrice et réparatrice.
Une odeur de camphre et de pommade ancrée au plus profond du plâtre titille les narines dès que l’on pousse la porte.
Les bancs au confort spartiate ont la peinture ébréchée par toutes ces générations de postérieurs plus ou moins honorables venus y somnoler.
Le vestiaire c’est le mausolée, le temple du rugbyman. Le lieu de culte où l’on se dit tout. Où l’on se parle, où l’on s’engueule, où l’on se chuchote.
Nul besoin de bénitier à l’entrée, de confessionnal ou autre autel, le vestiaire est un lieu de culte avec sa propre religion. Pas de place pour les tricheurs, dans le vestiaire on ne baisse pas le regard si l’on se veut conquérant.
Le vestiaire, on y chante, on y crie de joie ou de peine, on y transpire et aussi on y pleure. Mais on y pleure aussi de joie, cette joie de la victoire, cette joie indéfectible que l’on narrera à nos enfants et petits enfants non point au coin de la cheminée, mais plutôt dans un estaminet au bord d’un zinc.
Celui qui n’a pas connu la douce parole du meneur d’hommes avant le combat, l’engueulade salvatrice d’un coach au bord de l’infarctus. Celui qui n’a pas entendu résonner les murs des coups de tromblons mémorables, celui qui n’a pas connu cette étreinte faite entre hommes ou les gouttes de transpiration dues à la chaleur se confondent parfois avec les larmes, quand la promiscuité et la peur se mélangent. Celui-là a manqué très certainement une part importante de l’amitié humaine qui se dessine au fond d’un vestiaire.