Contre l'abandon

Dans notre groupe de jeunesse, avec Mathilde, il y avait un garçon un peu plus âgé que nous et que nous admirions beaucoup. Il est devenu d’une grande érudition et d’une compagnie passionnante, avec toujours une anecdote à raconter sur l’histoire de notre ville ou de notre région. Grand séducteur, il est resté célibataire et aura bientôt soixante dix ans. Ce qu’il vit très mal. Son chat adoré vient de mourir et après une mauvaise chute dont il se remet mal, il broie du noir. Mathilde, avec sa générosité proverbiale, l’engage à reprendre la compagnie d’un chat. Il refusait jusque-là car il prévoit que le chaton aura une plus grande espérance de vie que lui. N’importe qui se découragerait devant cette sinistrose systématique. Pas Mathilde. La voilà avec le projet de trouver un chat mais aussi de lui assurer un avenir au cas bien improbable où son maître trépasserait avant lui. Car notre ami quoique très pessimiste jouit d’une santé à toute épreuve.

Un «testament» va être établi instituant Mathilde « héritière-tutrice » du félin s’il devenait « orphelin », cette disposition étant assortie du versement d’une somme forfaitaire pour l’entretien du chat selon son espérance de vie au moment du « départ » du premier propriétaire. Avec désignation d’un ou deux « inspecteurs » qui vérifieront périodiquement la bonne application de l’accord.

Cette idée pourrait être généralisée et rassurerait bien des personnes âgées qui hésitent à prendre un animal, craignant de devoir l’abandonner en cas de force majeure.