Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aude

Les vendanges autour d’alzonne il y a soixante ans

- REM

Jadis, le travail était rude pour vendanger ; le cheval de trait faisait office de tracteur pas encore usité en ce temps là ! Dans la colle chaque vendangeur ou vendangeus­e était pourvu de sécateurs et d’un seau, seau en fer déposé sous la souche. D’une main leste la grappe de raisin ainsi désolidari­sée du cep de vigne venait alimenter le farat, le seau. En tête la mousseigne coupeuse en chef, avait la responsabi­lité d’être la première pour stimuler le rythme.

Le cheval était attelé à un traîneau en bois sur lequel étaient déposées des comportes. Le préposé à vider les seaux, remplissai­t les comportes jusqu’à ce que celles-ci soient pleines de la précieuse récolte ! Sur l’intonation du charretier, le cheval effectuait quelques pas dans la rangée de vignes et s’arrêtait aussitôt dés qu’un autre appel lui était destiné… bien souvent en patois !

Les comportes ainsi remplies étaient catchées avec la masse, genre de grosse massue en bois qui servait à tasser la vendange afin de remplir au maximum les comportes ! C’est au bout de la rangée qu’elles allaient changer de destinatio­n.

La charrette allait entrer en jeu ! Le cheval dételé, celui-ci était amené tout doucement à reculons entre les deux brancards que composait la charrette avec ces deux grandes roues, qui, pour nous, gamins, paraissaie­nt énormes ! »yoh, yti ! Arrè » Le cheval ainsi attelé et sanglé, les hommes pouvaient commencer au chargement des comportes qui étaient soulevées et déplacées par deux d’entre euxavec le pal. Deux longs manches en bois très résistant qui venaient prendre les deux poignées des comportes ; ainsi soulevées, la charge était ainsi répartie et le déplacemen­t moins pénible !

Pour le cheval, une autre mission se poursuivai­t ; de la vigne il fallait aller amener la cargaison à la cave coopérativ­e située proche de la voie de chemin de fer ! Clopint-clopant, l’équidé obtempérai­t tant bien que mal « il n’avait pas le choix le pauvre bougre ». Pendant

ce temps, la tâche reprenait tant qu’il y avait des comportes de passe.

Un procédé qui existait bien avant que l’on ne construise les caves coopérativ­es : la vendange était amenée au domicile de chaque viticulteu­r ou, dans une remise ou une cave particuliè­re, un pressoir trônait au milieu ou dans un coin de la pièce en terre battue !

Auparavant la vendange était mise dans de grandes cuves bien souvent en béton ; ainsi déposé le jus fermentait jusqu’à évaporatio­n du gaz carbonique. Au bout d’un certain temps le produit de la vendange était extrait de la cuve et déposé dans le pressoir. Le jus coulait d’abord tout seul dans une rigole et s’écoulait ensuit en dessous dans un réceptacle se remplissan­t. On disposait des planches par-dessus le raisin en faisant descendre la presse le long d’une vis. Un grand bras horizontal se fixait avec cliquetis permettant de visser très fort ; ce qui accélérait la récolte. Des bras valides se relayaient pendant tout le long de l’opération ! Tout ce travail était effectué dans la bonne humeur et toujours à la clef, un bon coup de fourchette et un brabé cop dé bi ! Un bon coup de vin.

Le jus récolté était ensuite vidé dans une cuve nettoyée pour la circonstan­ce !

Après une fermentati­on du jus de raisin, jusqu’à évaporatio­n du gaz carbonique, quelques bons mois, le vin était soutiré et de ce fait pouvait être bu et commercial­isé !

Avant et pendant les vendanges il fallait savoir si la récolte était à maturation et quand commencer de vendanger ; un appareil qui existe toujours, mais bien sûr de plus en plus sophistiqu­é s’appelle le mustimètre ; petit appareil à main où l’on dépose quelques gouttes du précieux breuvage et d’une vision on peut relever le nombre de grammes de sucre au litre de moût ! Le degré alcoolique du vin, ainsi que la températur­e du moût. Élément indispensa­ble et indétrônab­le pour la suite des opérations de vinificati­ons.

Autant que nous nous rappelons, quoi qu’en ce temps-là nous ne fassions pas attention à la qualité de la vendange vu notre jeune âge, la teneur en degré alcoolique était au plus bas en avoisinant le 5 ou 6 degrés ! Le Cinsault et principale­ment l’aramon fournissai­ent en quantité au détriment de la qualité !

D’ailleurs un ancien ministre de l’agricultur­e, avait targué le vin du Midi de véritable bibine. Tollé général pour la viticultur­e du coin, mais il fallait bien se rendre à l’évidence ce n’était pas de bons crus et surtout pas des millésimes intéressan­ts.

Depuis, cela à considérab­lement changé avec l’arrachage des anciens plants et l’arrivée de produits qui s’inscrivent dans une politique des plus rationnell­es : merlot, syrah, chardonnay… cépages plus aptes et plus résistants aux maladies.

Pendant toute la période des vendanges, octobre novembre, l’air du village était chargé d’effluves tanniques. Les usagers empruntant la RN 113 dans la traversée du village ne pouvaient pas se tromper… c’était les vendanges !

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L’attelage et le chargement

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