Il était une fois

C’était il y a très longtemps, dans un pays dont on a oublié le nom et qui n’existe peut-être plus. Un pays en principe démocratique dont les sujets, en principe égaux, étaient, pour les plus pauvres, écrasés d’impôts et gouvernés par un roi en principe élu. La vie quotidienne du monarque, dans ses moindres détails était transformée en fables édifiantes vendues à prix d’or aux gazettes du pays. La moindre anecdote devenait un feuilleton journalier pour lequel le gentil peuple se passionnait et qui n’en n’aurait, pour rien au monde, manqué un épisode. Il restait tout de même régulièrement, la formalité d’appeler les citoyens à voter et le souverain se montrait de plus en plus préoccupé à l’approche de chaque échéance.

A chaque fois, quelques opposants manifestaient mollement l’intention d’être candidats. On les décourageait l’un après l’autre en leur attribuant des charges et des privilèges au-delà de leurs plus grandes espérances. Quelques récalcitrants - coupables ou innocents - se retrouvaient compromis dans des scandales médiatisés. En ce qui concerne le monarque, la mise en valeur d’une vie privée, savamment orchestrée pour attendrir le bon peuple, lui assurait une victoire sans souci. Et cela dura aussi longtemps qu’il vécut.

Les historiens pensent que cela n’a jamais existé sauf dans la cervelle dérangée de quelques vieillards gâteux, et dans des époques vraiment très anciennes, où le peuple était trop abruti par la misère et les maux de toutes sortes. Tous les spécialistes les plus éclairés vous assureront que de telles pratiques ne pourraient plus s’exercer. Ceux qui nous gouvernent possèdent une haute moralité, de grandes compétences et toutes les connaissances nécessaires qu’ils mettent au service du plus grand nombre en oubliant leur intérêt propre. Non. Décidément, cela serait impossible dans notre monde civilisé et libre. Nous ne l’accepterions pas.