Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aveyron
Il y a trente ans, disparaissait le cardinal Marty
Il y a trente ans, le 16 février 1994, le cardinal Marty eut un accident de la route qui lui coûta la vie. Près de Villefranchede-Rouergue, dans le bourg de Pachins où il avait vu le jour, sa tombe reste abondamment fleurie, et il serait totalement erroné de croire que les Aveyronnais ont oublié cette belle figure de l’épiscopat français.
Fils de cultivateurs, le cardinal Marty était né sur la rude terre du Ségala, le 18 mai 1904. Près de quatrevingt-dix ans plus tard, l’ancien archevêque de Paris devait trouver une mort accidentelle lors d’une collision entre la 2 CV qu’il conduisait et l’autorail Capdenac-Toulouse. Tous les Aveyronnais ont été surpris par la brutalité et la singularité de ce fait-divers dont l’origine exacte n’a jamais été clairement authentifiée.
Le 16 février 1994, au volant de la 2 CV offerte par ses prêtres au moment de quitter Paris pour sa retraite, le cardinal Marty se rend comme à l’accoutumée à Pachins, où l’attend sa soeur Madeleine. À cinq kilomètres de Villefranchede-Rouergue, où il vient d’effectuer de petites emplettes, il ralentit à l’approche du passage à niveau du lieu-dit Farrou. Il est 11h10.
Le soleil est déjà haut dans le ciel nu. La chaussée brille avec éclat… Les demi-barrières automatiques s’abaissent… Et soudain l’autorail… Son conducteur en actionne l’avertisseur à plusieurs reprises. En vain. Le convoi roule à 80 km/h et doit freiner sur deux cents mètres. Il ne pourra éviter la 2 CV qu’il heurtera de plein fouet. Elle sera broyée par la motrice et l’archevêque, violemment projeté sur le ballast, tué sur le coup.
C’était un mercredi des Cendres, trois mois seulement avant qu’il ne fête sa quatre-vingt-dixième année. Les témoins du drame diront avoir vu le père Marty s’engager sur la voie avant de s’immobiliser sur les rails, comme s’il attendait que le train passe, semblant confondre la seconde barrière avec la première.
Sa vie avait été si complètement lumineuse qu’elle avait fini par donner la certitude de ne devoir jamais s’éteindre. La plupart se sont indignés d’une mort aussi dure qu’inattendue. Par milliers, fidèles et amis ont pleuré ce père de l’Église de France qui avait su manifester les vertus d’une forme de civilisation chrétienne dont il était l’un des derniers témoins.
La brutalité de sa mort jettera le pays dans la consternation. Treize années de
retraite dans le Villefranchois auraient pu susciter l’indifférence. Mais non. Sur le piton de Rodez, le lundi 21 février 1994, très tôt l’après-midi, la cathédrale Notre-Dame sera très vite envahie de 5.000 personnes.
Le père Marty eût aimé à coup sûr cet étonnant compagnonnage, brassage fervent des sans-grades, des jeunes, des laïcs mêlés aux prêtres et aux religieuses, aux prélats et aux grands commis de l’État. Une frange importante de la population ne pourra pénétrer dans l’immense vaisseau de pierre. Elle se résoudra à patienter sur le parvis et vibrera aussi à l’hommage rendu à ce phare de l’Église en Rouergue.
Trois fois déjà, le bourdon de Notre-Dame de Rodez
avait sonné à toute volée pour François Marty : le 28 juin 1930, à l’occasion de son ordination sacerdotale ; le 1er mai 1952, lorsqu’il avait été sacré évêque ; en mai 1992, pour son jubilé épiscopal.
En 1984, l’année où il rédigea son testament spirituel, il avait curieusement déclaré : « […]Jesuissurle quaidelagareverslamort. Letraindemonéternitéva passer.Ilenpassetousles jours,maisilmeprendra undecesquatrematins… Jesaisversquijevais.Je saisquim’attend…»
Pourquoi était-il vénéré à ce point ? «Parcequ’ilaimaitlesgens», répondra le jardinier du couvent où il s’était retiré. «Parcequ’il étaitprochedetous» , confirmeront beaucoup d’autres…