Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aveyron
Marie-Jo Molinier raconte Christian Bobin
Notre journal est reconnaissant à la poétesse Marie-Jo Molinier d’avoir eu à coeur de dédier sa chronique littéraire à la mémoire d’un ami des Ruthénois, le regretté Christian Bobin.
Beaucoup ont été très heureux de pouvoir le rencontrer à Rodez même. C’était dans le cadre du Siècle Soulages, samedi 28 septembre 2019, d’abord à la Maison du Livre, puis à la médiathèque où l’avait rejoint sa compagne et future épouse, Lydie Dattas. Tout le monde s’en souvient.
Christian Bobin s’est éteint le 23 novembre 2022. Il est l’auteur d’ouvrages flamboyants. Il a reçu le prix d’Académie en 2016 pour l’ensemble de son oeuvre. Marie-Jo Molinier va donc nous parler du livre Lemurmure, publié le 1er février 2024 aux éditions Gallimard. Commencé chez lui, au Creusot, poursuivi durant les deux mois précédant sa mort, le 23 novembre 2022, Lemurmure m’a échappé. appartient à ces oeuvres exMais demeurent la fulgutrêmes écrites dans des rance des images, la beauté conditions extrêmes. Voici du silence et des choses de ce qu’en dit la poétesse rula nature : «Lesilenceestle thénoise : maîtredestombes.Ilapou
«Levolmagiquedes voirdesouleverlapierre, étourneauxsecon dsvio-deprendreparlamainle lonsduciel.Quandilsrendormeuréternel.Lesilence contrentunobstacle— estcequirelèvelesvicommed’unrocquidévants.» passed’unerivière–ils « La respiration de l’arbre
scindentendeuxcette devant ma fenêtre, une
massedegrâcesansse brise soulevant par plis une
heurter,viterecomposent soie ocre me lave de mes téleuramitiéaprèslefrannèbres. » Hommage au livre chissementdel’épreuve. également : « Les mains
Cettepasses’appellele s’éclairent quand elles toumurmure» : c’est le titre du chent un livre » , à l’écriture, dernier livre de Christian à la poésie : « Il y a quelque
Bobin. Testament spirituel chose qui n’est pas vain,
? peut-être c’est écarter le
A-t-il voulu nous rassurer, temps pour écrire un poème
nous faire espérer en écri», « l’écriture est un linge
vant ces mots sur la vie frais tendu sur un fil
triomphante, sur l’amour d’encre. »
toujours vainqueur ? «AuLa musique s’invite égalecunevoieaiméenedispament – et très généreuseraît» , nous dit-il. J’avoue au ment – au fil des pages, début de ma lecture avoir avec le pianiste russe Griété déroutée : des fraggory Sokolov, interprète exments d’histoire dont le ceptionnel de Chopin, lien les unes avec les autres Bach, Schubert et bien
d’autres. «Sokolovplonge dansleliquideamniotique del’éternel,sansdétourpar laterre;jouerdupiano, c’estfondamentalementaimer.»
Ce livre a été terminé juste avant le décès de son auteur, survenu le 23 novembre 2022, et dont certaines pages ont été dictées à sa compagne sur son lit d’hôpital, à Chalon-surSaône. L’amour y est présent, encore et toujours : ces paroles à la femme ai
mée, tellement vivantes, ce chant radieux en page 125, m’ont bouleversée.
Voici quelques années, ma rencontre avec Christian Bobin à la Maison du Livre m’avait profondément émue et enchantée. Avec lui, je suis allée plus loin dans ce qui éclaire et tremble.
Je ne peux m’empêcher, en guise de clin d’oeil, de lui offrir ce haïku : Justepour vivre,j’apprendsàsemer unpeudelumière. Et voici
ce qu’il me répond : «Je cherchelaviedélivréedela vie,l’amourdélivréde l’amour,cefroissement d’ord’undiapason,cette notepurequitremblebien avantnotrenaiss anceet aprèsnotremort.»
Merci, Christian Bobin. »