Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aveyron
Un projet éducatif audacieux soutenu par les autorités départementales
Trente stèles réalisées à la mémoire des trente victimes du massacre de Sainte-Radegonde
Le mercredi 8 mai 2024, les cérémonies des 80 ans du massacre nazi de Sainte-Radegonde auront un air de jamais-vu ! Trente stèles réalisées par de jeunes élèves à la mémoire des trente hommes – résistants, otages et maquisards – fusillés par des soldats de la Luftwaffe devant la tranchée du champ de tir communal, le 17 août 1944, seront présentées pour la première fois aux officiels.
Fruit du projet pédagogique mis en oeuvre entre le groupe scolaire CharlesCayla de Sainte-Radegonde et le plasticien Florian Melloul, ces stèles s’insèrent dans le cycle mémoriel des commémorations des 80 ans du 17 août 1944. Leur réalisation a été imaginée de concert par la mairie et le comité du mémorial départemental de Sainte-Radegonde, parties prenantes budgétaires du projet avec l’ONaCVG et la SMLH de l’Aveyron –Caroline Crépon-Pillone, Didier Gineste et Anne-Marie Escoffier s’étant montrés particulièrement sensibles à son élaboration, même si la re
cherche de financements se poursuit avec le dépôt d’un dossier FDVA.
La directrice et enseignante des classes de CM1 et CM2 de l’école de SainteRadegonde se montre enthousiaste. Pascale Bauguil se réjouit en effet de voir « desélèvestrèsmotivés s’approprierceprojet».
«Aumonumentaux morts,nousavonsdéjàfait desactionsconcernantles Justes.Lesélèvesconnaissenttrèsbienlesitedece hautlieudelaRésistance aveyronnaise.Chaqueenfantaréfléchi:Quepourrions-nousfaire?Com
mentorganisertoutesces stèlesdanslaperspective deleurmiseenplacepour l’inaugurationdu8mai?»
De son côté, l’enseignant Romain Fayel observe que cette création foncièrement originale est comme l’aboutissement d’une longue chronologie d’actes mémoriels. «Noussommes surunprojetquitraverse lesdifférentesgénérations d’élèves,etc’estunprojet quivarester.C’estvraiment trèsimportantpourlesenfants», insiste-t-il.
La quarantaine d’élèves guidés par ces enseignants ont vu leur projet mémoriel conforté par la labellisation Mission Libération, obtenue dans le cadre du Groupement d’intérêt public (GIP). Une labellisation qui englobe tous les projets s’inscrivant dans le 80e anniversaire des débarquements, de la libération de la France et de la Victoire, dans le cadre d’un cycle commémoratif qui se déroule sur les années 2024 et 2025.
Quatre temps forts caractérisent cette oeuvre mémorielle : le vendredi 2 février dernier, Sophie AmansGisclard, professeure d’histoire au collège des QuatreSaisons (Onet-le-Château) et présidente depuis quinze ans de la commission départementale du jury académique du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), a présenté aux élèves le cadre historique du drame du 17 août 1944.
Puis, le jeudi 8 février, Florian Melloul est intervenu en classe pour évoquer le projet. Depuis nombre d’années, cet artiste est rodé à l’encadrement éducatif, «maisréalisertoutes cesstèlesavecdesenfants endisposantdequelque 300kilosdebétonmisà notredispositionparla mairieelle-mêmeestun véritableapprentissage! Pourmoiaussi,avecce typedematériau,c’estune premièrefois» , dit-il en invitant les élèves à réfléchir sur la projection visuelle de ce qu’ils peuvent ressentir.
Son parcours de plasticien témoigne de son intérêt pour le devoir de mémoire. Il y a plus d’une décennie, il réalisait un grand portrait sur toile de Jean Moulin, installé dans le salon éponyme de la préfecture. Il a par la suite exécuté des fresques sur la fratrie de Simone Veil avec des élèves de trois établissements de Baraqueville et Naucelle, et oeuvré entre autres, à plusieurs reprises, sur la thématique « Jean Moulin ».
Florian Melloul a grandi dans un milieu familial l’ayant prédisposé à une vive sensibilité pour les contextes de la Shoah et de l’après-guerre.
Il parle avec pudeur de l’illustre poète résistant Denys-Paul Bouloc (19182007), grand ami de son propre père, qui a d’ailleurs publié quelques-uns de ses principaux ouvrages aux éditions Fil d’Ariane. « Denys-Paul, qui avait passé sa jeunesse ruthénoise sous l’Occupation, me contait
avec talent ce qu’il avait vécu, tel un grand-père à son petit-fils. Ça marque lorsqu’on est un enfant… »
Du 26 février au 5 avril, pendant les six semaines nécessaires à la réalisation des stèles, trois journées de travail ont été planifiées, les jeudis 21 et 28 mars, puis le jeudi 4 avril. Qui plus est, dans le cadre de la liaison école/collège, un travail d’écriture est en cours de réalisation, sous la responsabilité d’un professeur de français du collège JeanMoulin à Rodez.
Du 22 avril au 3 mai, ce projet unique entrera dans sa phase de finalisation, peu avant les traditionnelles célébrations du 8 mai 1945 qui se dérouleront en deux parties : la cérémonie officielle devant le monument aux morts de Sainte-Radegonde ; la présentation du projet et l’inauguration des stèles devant la tranchée dans laquelle furent précipités les corps des victimes sous le feu de l’occupant en déroute. C’est là, devant la butte de tir, que les réalisations de l’école CharlesCayla seront mises en lumière et dévoilées au public…