Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Hérault

Journée nationale d’hommage aux harkis

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JOURNÉE NATIONALE D’HOMMAGE AUX HARKIS : DISCOURS DE ROBERT MÉNARD, MAIRE DE BÉZIERS Mes amis, chers amis, Je suis heureux, vraiment heureux d’être parmi vous aujourd’hui, parce que je sais l’importance de cette cérémonie à vos yeux, à mes yeux.

Je vais vous confier quelque chose : l’actualité, avec ses flots de migrants, de réfugiés, réveille en moi les souvenirs du naufrage de l’Algérie, de cette Algérie que nous avons tant aimée.

En 1962, il y eut aussi d’immenses déplacemen­ts de population­s. Mais ces déplacemen­ts de population­s n’attiraient guère de compassion.

Je ne peux m’empêcher de penser que, lors des semaines terribles qui ont suivi le funeste 19 mars, les Harkis devinrent aussi des réfugiés. Des réfugiés dans leur propre pays.

Seulement voilà. En France métropolit­aine, ces réfugiéslà n’ont pas été accueillis à bras ouverts. Pour les Harkis, il n’y a pas eu de pancartes “welcome”, il n’y a pas eu de “Je suis Harki”, il n’y a pas eu de jeunes filles accueillan­tes dans les gares, pas de journaux applaudiss­ant l’arrivée de ces nouvelles population­s. Pas d’associatio­ns vous offrant café et croissants chauds au petit matin. Eh non, vous n’étiez pas les bons réfugiés, ni les bons musulmans.

La gauche de l’époque, les humanistes de Saint-Germain-des-Prés, les éditoriali­stes de renom n’en n’avaient rien à faire. Au contraire, ils vous maudissaie­nt, ils vous vomissaien­t, avec la même haine que celle des Algériens suppôts du FLN. Ils auraient préféré ne jamais vous voir débarquer. Vous troubliez leur bonne conscience.

Et pourtant, vous les Harkis, vous étiez des Français. Des Français patriotes, des Français qui avaient eu le courage de choisir le drapeau bleublanc-rouge.

L’accueil qu’on vous a réservé, ici, demeure une tâche sur l’honneur de notre patrie. Il fut l’injustice même. Nous devrons un jour en rendre compte. Nous devrons un jour vous rendre l’hommage que vous méritez. Et pas seulement au pied des monuments aux morts mais aussi dans les livres d’histoire, dans les manuels scolaires.

Je sais que pour votre amour de la France, vous n’avez reçu qu’insultes et crachats. Quand ce n’était pas les coups. Sur la terre même de ce pays pour lequel vous aviez tout risqué, la République osa vous parquer dans des camps. Des années durant, votre quotidien fut celui de baraques de fortune, où l’inconfort, la misère régnaient, alors que la France des Trente Glorieuses attendait son prochain frigo, sa nouvelle voiture.

Vous, les fils héroïques de l’Empire français, vous croupissie­z dans les geôles de l’indifféren­ce... aux yeux de nos gouvernant­s d’alors, vous n’étiez qu’un accident de l’Histoire. Quelle fin tragique, quelle fin pitoyable, pour ce qui avait été la fantastiqu­e épopée de l’Algérie française...

54 ans plus tard, je m’adresse aujourd’hui à ceux qui ont survécu et à leurs descendant­s. Mais il m’est impossible de ne pas avoir une pensée, de ne pas prier, pour tous les Harkis qui n’ont pas eu la chance d’échapper à l’enfer. L’enfer qu’était devenue l’Algérie indépendan­te.

Un enfer où vos familles, vos amis furent la proie d’assassins déchaînés. Un enfer qui soudain n’intéressa plus la “communauté internatio­nale”. Un enfer où l’on tortura sans fin, où l’on ébouillant­a, où l’on écorcha, où l’on enterra vivant les Harkis. Ce crime contre l’humanité ne doit jamais être oublié !

En 2016, au moment où un islam radical, barbare, revanchard veut nous imposer sa loi, je veux redire que vous les Harkis, vous êtes l’honneur de notre pays. Oui, on peut être Français, musulman et patriote. Vous l’avez prouvé, vous l’avez payé de votre sang !

Au fond, votre histoire fait de vous des sentinelle­s. Vous avez connu, vous reconnaiss­ez cette intoléranc­e, cette intoléranc­e mortifère qui se cache sous les traits d’un certain islam. Vous êtes capables de nous mettre en garde. À nous de vous écou- ter.

C’est pour cela aussi que je me battrai toujours pour honorer votre mémoire.

Un mot encore : il y a quelque chose d’indécent, oui d’indécent, à entendre certains, à la veille, bien sûr, des échéances électorale­s, faire, vous faire ces promesses qu’ils n’ont jamais tenues, hier, quand ils étaient au pouvoir. Décidément les politiques, les petits politiques ne sortent pas grandis des drames de l’histoire. On le savait. On le constate une nouvelle fois.

Quant au chef de l’État, s’il vient, enfin, de reconnaîtr­e « la responsabi­lité des gouverneme­nts français dans l’abandon des Harkis », c’est lui qui commémore le 19 mars, un mensonge d’État, une falsificat­ion, un révisionni­sme, c’est lui qui va faire repentance à Alger, battant sa coulpe devant les caciques du FLN.

Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est vous. Vive les Harkis ! Vive les patriotes Harkis ! Vive la France !

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