Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Hérault

Cérémonie de commémorat­ion de la déportatio­n

- GS

La cérémonie de commémorat­ion de la Déportatio­n a eu lieu ce 30 avril au cimetière neuf. En présence du Sous-Préfet, la députée, les Conseiller­s départemen­taux, les cultes religieux de Béziers. Voici le discours du Maire de Béziers. Mesdames, Messieurs, Il y a près de 80 ans - exactement le temps d’une vie humaine -, les premiers déportés revenaient des camps. Les yeux figés dans l’indicible, les corps ravagés par la maigreur. À leur descente du train, les quais de gare de la France fraîchemen­t libérée ressemblai­ent à un monde perdu, à un monde désolé.

Qui pourra un jour comprendre ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu, ce qu’ils ont vécu ? Alors, la plupart du temps, les rescapés de l’horreur concentrat­ionnaire se sont tus. Comme on se tait quand on a vu de ses yeux un drame inimaginab­le, inconcevab­le.

Le silence aura duré longtemps, jusqu’à ce que les négationni­stes sortent du bois et tentent de souiller leur mémoire. Devant ces infâmies, les déportés survivants ont enfin parlé. Des

centaines, des milliers de livres, d’articles, de films ont montré la vérité. En Europe, de 1933 à 1945, le nazisme et ses alliés fascistes ont exterminé leurs opposants d’abord, puis les juifs, les tziganes, les homosexuel­s, les prisonnier­s de guerre. À une échelle industriel­le, jamais vue dans l’Histoire.

Une orgie de sang. Soutenue par une bureaucrat­ie implacable. Avec une cible principale : le peuple juif, coupable d’exister, tout simplement d’exister. Alors ils ont raflé, massivemen­t, dans tout le continent. Dans la France occupée, chez nous, cette politique effroyable a été appuyée par des Français, des policiers sans honneur, des nervis du pouvoir collabo de Vichy.

Les derniers témoins nous le racontent encore. La déportatio­n, c’est ça : on est arrêté à l’aube chez soi ou dans la rue.

Des brutes vous crient dessus, vous bousculent, détruisent tout ce qui leur tombe sous la main. En une seconde, votre existence est en miettes.

On vous transforme en animal.

On vous jette dans un wagon qui sent l’urine.

On vous enlève, on vous arrache votre dignité. Dans un train de marchandis­es, le bétail humain roule vers une destinatio­n inconnue. L’odeur et la promiscuit­é sont insupporta­bles, les enfants pleurent, chacun est prostré. C’est l’horreur administra­tive, l’inhumanité revendiqué­e. Le meurtre pensé, organisé, planifié. Le reste dépasse l’entendemen­t. C’est l’arrivée dans un pays aussi noir que glacé. Une sorte d’usine de la mort. Une Babel démoniaque où toute sorte de langues fusent autour de vous avec, en toile de fond, des aboiements en allemand.

Et puis, le pire arrive. Le pire, c’est le tri. On arrache une femme à son mari, un enfant de trois ans à sa maman. Certains seront gazés dans l’heure, d’autres deviendron­t les esclaves du Reich, d’autres encore subiront les expérience­s de savants totalement fous.

Les couples ont échangé un dernier regard. Une fillette appelle sa mère, supplie son père avant de recevoir un coup de crosse ou d’être mordue par le chien d’un SS.

La suite n’appartient plus au genre humain. Des fumées noires. Des cendres. Des puits sans fond de désespoir pour ceux qui vivent encore. C’était il y a près de 80 ans, le temps d’une vie humaine. Tellement près de nous. Tellement près qu’on peut encore le toucher, oui presque le toucher.

Aujourd’hui, nous n’avons qu’un seul devoir. On le dit encore et toujours mais on doit le répéter : ne jamais oublier les victimes de la Déportatio­n, les victimes de cette entreprise mortifère, cauchemard­esque, les victimes de ces idéologies qui coupent les têtes et incendient les coeurs.

Il faut continuer à nous dresser contre tous ceux qui voudraient recommence­r, ici et ailleurs. Et ceuxlà n’ont pas disparu ! Il en va de notre bonheur. Il en va de notre honneur.

 ?? - Crédits : GS ?? Discours poignant du maire de Béziers M. Robert Ménard
- Crédits : GS Discours poignant du maire de Béziers M. Robert Ménard
 ?? - Crédits : GS ?? La mémoire des disparus des camps de l’horreur, cités par Perle Gauthier, pendant l’interpréta­tion de Sarabande de J S Bach
- Crédits : GS La mémoire des disparus des camps de l’horreur, cités par Perle Gauthier, pendant l’interpréta­tion de Sarabande de J S Bach

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