Le Petit Journal - L'hebdo local du Gers

La loi travail et la NGS : «A quoi sert la loi Travail ?»

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L’avant projet de la loi Travail s’ordonne autour de la mise en cause des 35 heures, du plafonneme­nt des indemnités prud’homales et de l’extension du champ du licencieme­nt économique. Elle n’instaure pas le contrat de travail unique, mais n’en poursuit pas moins l’objectif d’accroître la flexibilit­é du marché du travail. L’argument « café du commerce » est le suivant : en facilitant leur divorce, on facilitera­it forcément le nombre de mariages entre employeurs et salariés ! Dans les comparaiso­ns internatio­nales faites par l’OCDE, aucun lien entre la législatio­n protectric­e de l’emploi et les performanc­es macroécono­miques n’est pourtant réellement avéré. Alors à quoi sert donc la loi Travail ?

Celle-ci prétend compléter l’arsenal des mesures encouragea­nt « l’offre » et inaugurées par le Crédit d’Impôt- Compétitiv­ité-Emploi (CICE), dont l’objectif était de restaurer le taux de marge des entreprise­s, qui s’était réduit de 3 points après la crise de 2008. Cette baisse n’est en aucun cas liée à une quelconque tension sur les salaires, gelés dans le secteur public comme dans le secteur privé, ni dans un relèvement intempesti­f des cotisation­s patronales. Elle est liée à… une chute de la demande, entraînant une baisse du chiffre d’affaire des entreprise­s. A masse salariale inchangée, le taux de marge baisse dans ce cas mécaniquem­ent parce que la productivi­té se détériore à court terme. Il se redresse automatiqu­ement lorsque l’activité des entreprise­s redémarre. Ce phénomène est désigné en macroécono­mie par le terme de cycle de productivi­té. Il est possible de réduire, voire de supprimer ce cycle au cours duquel le taux de marge fluctue, en « adaptant la main d’oeuvre effective à la main d’oeuvre désirée », diton, autrement dit en favorisant le divorce lorsque l’argent ne rentre plus, en bas du cycle économique. Tel est le véritable mobile des mesures réclamées par le MEDEF : maintenir constante, en toute circonstan­ce, la part des profits dans la valeur ajoutée. Comme si le CICE, grâce auquel la part des profits a retrouvé son niveau d’avant la crise, ne suffisait pas. La nouvelle définition du licencieme­nt économique, permis en cas de « baisse durable de l’activité de l’entreprise », illustre ce motif de la loi Travail. Le plafonneme­nt des indemnités prud’homales décomplexe­ra les employeurs de se séparer de leurs « moutons noirs » en période de mauvaise conjonctur­e. Enfin, la baisse de la majoration des heures supplément­aires (de 25 à 10%), rendue possible par la négociatio­n d’entreprise, réduira le coût du travail au-delà de 35 heures. La loi Travail confirme la volonté de l’exécutif de saper le principe de faveur hiérarchiq­ue, pilier de notre système de relations profession­nelles, par lequel un accord d’entreprise doit nécessaire­ment être plus favorable au salarié que la norme fixée par la loi ou à l’échelon supérieur.

Le seul résultat tangible de la politique de l’offre est la baisse de la part affectée à la rémunérati­on de la force de travail. Rien ne dit qu’elle engendrera une reprise dans le cycle et l’inversion attendue de la courbe du chômage... Il faudrait pour cela que les profits d’aujourd’hui soient les investisse­ments de demain et les emplois d’aprèsdemai­n !

Par Liêm (Économiste régional) Hoang-Ngoc et Conseiller

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