Le Petit Journal - L'hebdo local du Gers

Une ferme XXL dans le Gers

Projet d’agrandisse­ment d’une ferme pouvant accueillir jusqu’à 800 bovins

- Sar vui Rliheira pantos Onseignant en LPcée agricole élu unicimal y Auc, et écologiste­E AL

Page 7

Nous avons tous entendu parler de la ferme des mille vaches; c’était dans le Nord, loin de chez nous. Cette foisci, cela se passe bien dans le Gers, à Roquelaure, aux portes d’Auch, où l’on découvre un projet d’agrandisse­ment d’une ferme pouvant accueillir jusqu’à 800 bovins (cf. la Dépêche du Midi du 7 avril). Rappelons que la ferme aux 800 bovins, reprise il y a un an, a remplacé l’activité laitière (100 vaches) par une activité d’allotement et d’engraissem­ent de veaux broutards (500 veaux aujourd’hui et 800 veaux en projet), destinés au marché algérien, lointain de plus de 1200 Km.

Rien de surprenant (!), à en croire certains élus ainsi que les dires des plus hauts responsabl­es agricoles du départemen­t, qui se congratule­nt de cette orientatio­n.

Le président de la Chambre d’agricultur­e, confie à la Dépêche qu’il s’agit « d’un bon outil pour le Gers » : « Ça peut doper le marché du broutard dans le départemen­t ». La musique est bien rodée : l’agrandisse­ment et la concentrat­ion des structures seraient inévitable­s, afin de garder la nécessaire compétitiv­ité de l’agricultur­e fran- çaise et sa vocation exportatri­ce.

Mais, cette vision du développem­ent agricole est-elle toujours de mise ? Et sertelle le modèle agricole et alimentair­e gersois ?

C’est vite oublier les effets négatifs de la poursuite d’un modèle de développem­ent agricole productivi­ste, basé sur l’industrial­isation de l’agricultur­e et privilégia­nt l’exportatio­n :

- l’agrandisse­ment des structures se fait au détriment de l’installati­on conduisant à la disparitio­n progressiv­e des petites exploitati­ons et aggravant la désertific­ation des territoire­s ruraux les plus isolés;

- l’agricultur­e industriel­le est largement responsabl­e des crises sanitaires (par l’effet de concentrat­ion qui favorise la propagatio­n des maladies) ainsi que de la malbouffe, entraînant des effets pervers (obésité, cancers...) très coûteux pour notre système de santé;

- les pratiques culturales intensives polluent l’environnem­ent, déciment la biodiversi­té et intègrent de façon minimalist­e la problémati­que du bien-être animal (les bovins sont interdits de sortie en pâturage, car la recherche du rendement préconise de les parquer dans des box avec une aire de circulatio­n réduite afin d’optimiser la conversion en viande);

- le bilan carbone d’une agricultur­e exportatri­ce est déplorable (les produits doivent être transporté­s sur des milliers de km) et les exportatio­ns peuvent être dévastatri­ces pour les agricultur­es vivrières des pays les moins avancés, qui subissent de plein fouet les effets cumulatifs du dumping (par les subvention­s aux exportatio­ns) et des handicaps économique­s, du fait des énormes écarts de productivi­té entre les agricultur­es manuelles et celles fortement mécanisées des pays développés).

D’autant plus invraisemb­lable que le Gers se caractéris­e par une agricultur­e de polycultur­e-élevage, structurée autour d’exploitati­ons de taille petite à moyenne, particuliè­rement bien intégrée à des marchés locaux à renommée nationale pour ce qui concerne certaines production­s animales (cf. marchés au gras), et que les collectivi­tés territoria­les investisse­nt et militent depuis longue date pour un autre modèle d’agricultur­e de type familial, conciliant à la fois l’assise sur le territoire, la qualité des produits et la proximité. Preuve en est de l’engagement de la communauté d’agglomérat­ion du Grand Auch dans la modernisat­ion de l’abattoir, des politiques de soutien à la qualité promues par le Conseil départemen­tal (label Gers) et la région Occitanie (labels qualité et aides à l’agricultur­e biologique).

N’oublions pas non plus que, chemin faisant, les successive­s réformes de la Politique agricole commune (Pac) entérinent l’inéluctabl­e transforma­tion de l’agricul- ture productivi­ste, datée des années 1960, en encouragea­nt l’émergence de nouvelles façons de produire (d’où le slogan ministérie­l vantant le produire autrement) plus favorables à l’agro-écologie, au développem­ent des circuits courts, à une alimentati­on responsabl­e et de qualité.

Comment trouver tout cela dans une ferme à gestion managérial­e, qui industrial­ise sa production destinée à des marchés d’exportatio­n tout en utilisant les ressources du territoire pour atteindre de façon rationnell­e ses objectifs de rendement et de performanc­e économique, mais dont les retom- bées sur le territoire sont loin d’être acquises et partagées : quel impact sur l’emploi, sur l’activité de l’abattoir d’Auch, sur les marchés locaux, sur les ressources environnem­entales (gestion des déjections animales) ?? ..... Bien d’interrogat­ions qui doivent à ce jour nous interpelle­r, à un moment où les Conseiller­s départemen­taux ont décidé de “Réinventer le Gers” et alors que le président gersois de l’Agence Nationale de la Biodiversi­té a écrit le 25 mars qu’ “il est urgent d’agir et de changer nos modes de vie et de consommati­on”.

 ??  ??
 ??  ?? Le steak de demain ? (Ph. Récup.)
Le steak de demain ? (Ph. Récup.)

Newspapers in French

Newspapers from France