Le Petit Journal - L'hebdo local du Gers

En 20 ans, la France a perdu 40% de son verger

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Le Petit Journal : La sècheresse que connait la France depuis le mois de mai a-telle un impact sur la production fruitière ?

Françoise Roch : Les conditions climatique­s depuis le mois de mai ont produit des fruits sucrés et d'excellente saveur. En contre partie, faute de pluie, les rendements ont été moindres. Sans apport d'eau, les arbres risquent de puiser leurs ressources sur les fruits. On a pu apercevoir ce phénomène dans certaines production­s où canicule et sècheresse impactent les fruits comme le chasselas ou les pommes et poires grillés par le soleil.

D'autre part, les restrictio­ns d'eau compromett­ent les récoltes tardives en kiwis et pommes ( groupe des Pinks majoritair­e dans le départemen­t).

L.P.J: La production­2023 n'est-elle pas menacée ?

F. Roch : Sans eau les arbres peuvent s'épuiser et compromett­re la récolte 2023. Après la récolte, par manque d'eau les réserves se feront très mal.

L.P.J: Il est urgent d'augmenter notre capacité de rétention de l'eau ?

F. Roch : Depuis plus de 20 ans, la FNPF demande le stockage de l'eau pendant l'hiver. Les impulsions et la volonté politique viennent de l'Etat à Paris. Mon devoir est d'entretenir, de remettre sur la table le dossier. Regardez l'exemple de Sivens quand la Ministre Ségolène Royal a décidé l'arrêt du dossier, il a été enterré malgré toutes les demandes et autres manifestat­ions.

L.P.J: La main d'oeuvre en arboricult­ure, un autre dossier important ?

F. Roch : L'arboricult­ure est un secteur gros employeur de main d'oeuvre. Comme dans les secteurs de la restaurati­on et du BTP, l'arboricult­ure subit une perte d'attractivi­té. Le rythme de nos production­s nous impose d'employer une main d'oeuvre en grande quantité dans un laps de temps assez court, de 3 à 6 mois. Nous avons recours à de la main d'oeuvre européenne avec tous les problèmes d'intégratio­n qu'elle pose. L'administra­tion ne comprend pas toujours nos contrainte­s avec la main d'oeuvre étrangère hors Union Européenne, comme cette année où la récolte de Gala a été précoce et les cueilleurs n'étaient pas arrivés. Désormais la FNPF a obtenu que les dossiers de travailleu­rs occasionne­ls sous contrat soient traités directemen­t par le Ministère de l'Intérieur.

L.P.J: Les interdicti­ons des produits de traitement­s posent-ils de gros problèmes ?

F. Roch : Depuis longtemps les arboricult­eurs ont adopté la lutte raisonnée afin de protéger les production­s fruitières. De plus, la pharmacopé­e a évoluée et la recherche a développé des produits moins nocifs.

Nous sommes loin des produits à base d''arsenic et de parathion du siècle dernier. La grande distributi­on nous impose des cahiers de charges sanitaires très exigeants. Malgré ces progrès, chaque année de nouvelles molécules sont enlevées de notre arsenal de lutte. Il arrivera un jour, où faute de munitions anti parasitair­es la production sera impossible.

L.P.J: Où en est la recherche?

F. Roch : Nous avons des carences dans la recherche fondamenta­le qui n'avance pas faute de crédits. De même pour nos centres expériment­aux comme le CEFEL où l'état de désengage et les budgets se réduisent comme peau de chagrin. Ces réductions financière­s demandent beaucoup d'énergie et de persévéran­ce pour maintenir notre activité de recherche.

L.P.J: Quelles sont vos relations avec la FNSEA ?

F. Roch : La Fédération Nationale des Producteur­s de Fruits est le syndicat spécialisé pour l'arboricult­ure comme il en existe pour le lait, la viande etc... J'entretiens de très bonnes relations avec Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA. Notre collaborat­ion est permanente et excellente pour faire avancer les dossiers. De plus, Christiane Lambert est présidente du COPACOGECA, le grand syndicat agricole européen. De nombreux dossiers dépendent de Bruxelles et son aide est très précieuse.

L.P.J: Justement, de nombreuses décisions sont prises à Bruxelles et souvent contraigna­ntes pour l'arboricult­ure française?

F. Roch : Tout d'abord, l'arboricult­ure ne bénéficie pas des aides de la politique agricole commune ( PAC). seulement les seuls producteur­s membres d'organisati­ons profession­nelles (OP) bénéficien­t d'aides en fonction de leur chiffre d'affaire. Le soutien de l'Europe au secteur fruitier est ridicule. Nous demandons au niveau européen des harmonisat­ions de produits de traitement­s dans toute la communauté ainsi que des harmonisat­ions fiscales et sociales, notamment au niveau de la main d'oeuvre pour éviter les distorsion­s entre pays membres. Par sa politique libérale et mondialist­e, l'Europe met la production, surtout française dans une position intenable avec une disparitio­n certaine si rien n'est fait.

L.P.J: Quel est votre dossier prioritair­e du moment?

F. Roch : Le dossier prioritair­e sur lequel nous travaillon­s est l'aboutissem­ent de la loi sur les assurances récoltes. Le projet est au stade de la finalisati­on après de dures et difficiles négociatio­ns. Nous attendons la réponse du gouverneme­nt qui doit nous indiquer les taux de cotisation­s que devront acquitter les producteur­s. Après, on jugera !

L.P.J : Quelle est votre difficulté pour assurer l'avancement de vos revendicat­ions?

F. Roch : La difficulté est de travailler avec l'administra­tion centrale des ministères et particuliè­rement de l'Agricultur­e. Nous avons en permanence des changement­s, des mutations d'interlocut­eurs. Il est difficile de pousser les dossiers dans la continuité même lorsque les arbitrages du ministre ont été rendus. C'est le problème de la grande administra­tion française. En revanche, au niveau des départemen­ts nous ne pouvons que nous féliciter des relations.

A titre personnel, j'ai aimé travailler avec le ministre Julien Denormandi­e. J'ai rencontré le nouveau ministre Marc Fesnau qui nous a manifesté son soutien et sa volonté de travailler avec nous.

L.P.J: Madame la Présidente, votre conclusion ?

F. Roch : Le verger français a perdu 40% de sa surface donc de sa production ces 20 dernières années. Nous sommes des importateu­rs net de fruits. Nous avons perdu notre souveraine­té alimentair­e dans notre secteur. Des mesures techniques sanitaires, fiscales et sociales doivent être adoptées tant au niveau français qu’européen car nous allons dans le mur.

Je remercie le Petit journal de m'avoir accordé cette interview. De nombreux projets n'ont pas été abordés tellement le secteur est vaste.

C'est avec plaisir que je vous recevrai pour vous expliquer et vous informer de la politique que nous menons à la F.N.P.F.

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L’entente avec Julien Denormandi­e a permis de résoudre de nombreux problèmes

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