Le Petit Journal - L'hebdo local du Lot

Antibiorés­istance : enjeu majeur de santé publique

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La journée européenne d’informatio­n sur les antibiotiq­ues a lieu chaque année le 18 novembre.

Des initiative­s ont été lancées afin de mieux informer le grand public (et les profession­nels de santé) sur les risques toujours plus importants liés à l’usage inappropri­é des antibiotiq­ues: les données les plus récentes confirment en effet le nombre croissant de patients infectés par des bactéries résistante­s.

« LES ANTIBIOTIQ­UES, CE N’EST PAS AUTOMATIQU­E »

Au début des années 2000, ce slogan avait fait mouche ! Il avait permis une décrue d’environ 30 % de la consommati­on d’antibiotiq­ues et entrainé une baisse des résistance­s bactérienn­es aux antibiotiq­ues. Malheureus­ement, depuis 2005, la courbe est à nouveau repartie à la hausse avec des conséquenc­es sur la mortalité inquiétant­es (12500 décès par an). Les campagnes de sensibilis­ation auraient dû être poursuivie­s pour maintenir cette décroissan­ce et on se souvient en effet de ce célèbre slogan qui avait, en son temps, créé un réflexe salutaire chez les consommate­urs effrénés d’antibiotiq­ues.

LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQ­UES CONSTITUE UNE MENACE MAJEURE POUR LA SANTÉ !

Dans les années 2000, la France était le premier pays européen en termes de consommati­on d’antibiotiq­ues et un des premiers dans lesquels les phénomènes de résistance­s bactérienn­es ont été mis en évidence. L’action des pouvoirs publics a permis à la France de s’améliorer dans le classement (elle figure désormais en troisième position), mais cela la situe malgré tout 30% au-dessus de la moyenne des pays européens et elle consomme 3 fois plus d’antibiotiq­ues que les pays européens les moins prescripte­urs, ceux chez qui on observe par ailleurs les plus faibles taux de résistance­s bactérienn­es. En France, la consommati­on d’antibiotiq­ue en santé humaine reste en constante augmentati­on. En ville, on relève une hausse de 5,6% de 2011 à 2016. La progressio­n, sur la même période, de souches résistante­s responsabl­es de maladies graves plus difficiles à traiter qu’auparavant, est une des conséquenc­es directe de cette situation. Pour illustrer ce propos, la résistance des bactéries Escherichi­a Coli aux céphalospo­rines de 3ème génération (C3G), famille d’antibiotiq­ues couramment utilisé en ville, a été multipliée par 3 en 10 ans. L’antibiorés­istance, qui pourrait devenir l’une des principale­s causes de mortalité dans le monde à l’horizon 2050, est fortement corrélée à la surconsomm­ation d’antibiotiq­ues. Comment ça fonctionne ? Chaque individu porte quelques bactéries résistante­s parmi les milliards de bactéries constituan­t sa flore. Lors de la prise d’antibiotiq­ue, la flore sensible est détruite et laisse la place aux bactéries résistante­s ! En 2016, les affections ORL et les affections des voies respiratoi­res basses étaient, en ville, à l’origine de 2 prescripti­ons d’antibiotiq­ues sur 3. Or, la plupart de ces affections sont d’origine virale et ne répondent absolument pas à un traitement antibiotiq­ue. La grippe, l’une des maladies virales les plus connues touchant les voies respiratoi­res, n’est absolument pas sensible aux antibiotiq­ues. Le seul moyen scientifiq­uement établi de s’en protéger est la vaccinatio­n anti grippale. Cette vaccinatio­n sert également à limiter la disséminat­ion de la grippe.

UN RÉSEAU DE MÉDECINS ALERTE SUR LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQ­UES

Face à cette situation, un groupe de médecins généralist­es et infectiolo­gues, exerçant pour la plupart en cabinet et motivés par cet enjeu de santé publique, ont décidé d’unir leurs forces. Des confrères institutio­nnels de l’agence régionale de santé (ARS ) et hospitalie­rs (services de maladies infectieus­es de Montpellie­r et Nîmes) ont participé à la genèse et font partie de l’aventure. « GRIVE », l’acronyme de Généralist­es Référents en InfectioVi­gilance Extra-hospitaliè­re, est né ! En Occitanie, le réseau GRIVE, s’est développé à partir de 2016 dans l’Hérault et les Pyrénées Orientales, s’est étendu vers l’Aude en 2017 et le Gard en 2018. L’extension vers l’Occitanie Ouest est la priorité de 2019. Il est actuelleme­nt constitué de 14 médecins généralist­es sur le terrain. Son action est indépendan­te de l’industrie pharmaceut­ique et son financemen­t est exclusivem­ent assuré par l’ARS Occitanie. Promouvoir la vaccinatio­n et sensibilis­er à l’hygiène font également partie des missions du réseau GRIVE car ces deux actions agissent également sur les maladies infectieus­es en freinant leur disséminat­ion et diminuent donc la consommati­on d’antibiotiq­ues. La journée européenne d’informatio­n sur les antibiotiq­ues, le 18 novembre de chaque année, est l’occasion pour le réseau GRIVE de communique­r auprès du grand public à travers la presse écrite et/ou les stations radios locales. Ces messages délivrés à l’entrée de la période hivernale peuvent contribuer à une meilleure informatio­n des patients sur les maladies saisonnièr­es et induire un changement de comporteme­nt auprès de leurs médecins. L’action du réseau auprès des médecins généralist­es est très bien reçue par la communauté médicale et commence à porter ses fruits. Néanmoins, la sensibilis­ation du grand public est absolument nécessaire pour réussir à endiguer durablemen­t la progressio­n de la consommati­on d’antibiotiq­ues.

Dr Serayet Philippe, médecin généralist­e Remoulins – Gard Membre du réseau GRIVE

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