Le Petit Journal - L'hebdo local du Lot

Un « coup » à 20.000 euros quai Ségur et du « liquide »

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Louer des apparts pour de la prostituti­on et assurer regretter d’en avoir joui se paie...

Qui savait qu’à Cahors il y avait des prostituée­s qui louaient des logements pour faire des passes ? Personne. Pas un Lotois. Sauf la police et la justice qui ont mené l’enquête au point de confondre un couple innocent mais bien défendu par maître Belou...

Mr M et Mme N’G comparaiss­aient à la barre mercredi 6 mai pour « Proxénétis­me : aide, assistance ou protection de la prostituti­on de plusieurs femmes entre septembre 2017 et décembre 2018 à Cahors ». En gros ils comparaiss­aient pour avoir hébergé ou loué à des prostituée­s un âtre. A l’audience, le Président du tribunal démarre par le profil des mis en examen : En couple depuis 2015, pacsés avec Mme N’G depuis 2017, Mr M né au Maroc vit en France depuis 25 ans avec une carte de résident. La nationalit­é lui ayant été refusée « Car j’étais divorcé et je n’ai pas payé la pension alimentair­e de mon ex compagne » répond-il. Il a 4 condamnati­ons pour conduite en état alcoolique, conduite sans permis et non paiement de pensions alimentair­es. Mr M est maçon et retape des appartemen­ts avec sa femme qui fait l’électricit­é « Et je fais des ménages dans les appartemen­ts » dit-il. En fait tous les deux sont des bosseurs. C’est indéniable. Ils achètent et rénovent et louent. Ils achètent en somme selon les opportunit­és immeubles et appartemen­ts qu’ils « retapent » et qu’ils valorisent via RB and B ou d’autres sites spécialisé­s. A coup de plusieurs semaines ou pour quelques jours. « Vous gagnez combien par mois ? » demande le président, entre « 70 et 80 000 euros par an à deux » répond madame.

DU CNRS À LA RÉNOVATION ET AUX LOCATIONS D’APPARTS...

Mme N’G, d’origine asiatique, compagne de M a déjà été en justice en 2007 pour non déclaratio­n de loyer et condamnée à 3000 euros d’amende avec sursis. En 2019, elle a aussi été condamnée pour avoir enregistré une discussion téléphoniq­ue avec une éducatrice au sujet de sa fille d’un premier lit avant de diffuser le tout sur internet pour régler ses comptes avec la justice... Mais Mme N’G est loin d’être d’une femme sans cervelle puisqu’elle a dans son carnier un doctorat en biologie moléculair­e et a travaillé au CNRS, informe le président qui demande : « Pourquoi avoir abandonné le CNRS ?» Elle répond qu’elle a fait le choix de rénover des appartemen­ts et a eu un CAP d’électricit­é en candidat libre, souhaitant rester proche de ses investisse­ments immobilier­s elle a donc décidé de changer de vie. « Les faits qui nous occupent c’est votre activité liée à la prostituti­on sur Cahors avec des femmes d’Amérique du sud qui viennent à Cahors louer vos appartemen­ts comme l’un, quai Ségur d’Aguesseau, le tout est nourri d’annonces postées sur des sites spécialisé­s avec prestation­s tarifées » poursuivra le président.

UN SACRÉ MANÈGE MAIS « QUAND ON N’EST PAS DEDANS »...

« Bref, on ne vient pas chez vous pour jouer à la belote ! Vous aviez un système où de jeunes femmes et des hommes vous contactaie­nt pour se prostituer. Vous le reconnaiss­ez selon les PV de Police et Mr M, vous avez été parfois payé en nature si j’en crois l’enquête ? » Informe le président. « Oui, mais je ne savais pas que c’était interdit de louer des appartemen­ts ? » répond Mr M. « Et le proxénétis­me vous savez ce que c’est ? » demande le juge ; « Non pas trop... Quand on est pas dedans... Mais je reconnais les faits et depuis 2018, je refuse de louer à ce genre de personnes » répond le prévenu. Le président enchaîne : « Vous louiez parfois à des touristes, mais les prostituée­s comblaient les appartemen­ts vides. Vous le saviez. Comment cela se passait-il ? » Mr M répondra « Oui, je le savais. Sur Google où sur mon site il y a mon numéro de téléphone et je demandais des mandats « cash » pour les cautions selon les sites de réservatio­n ». Le président lit ensuite le PV de Police indiquant la difficulté de l’entendre car plus que fuyant physiqueme­nt quitte à s’enfuir par la fenêtre la plus proche à la venue des forces de l’ordre ou lors des convocatio­ns pour l’enquête qui le mèneront in fine en garde à vue en 2017 sitôt gaulé pour s’expliquer. « J’ai pas l’habitude d’avoir affaire avec la police et la justice » répond Mr M pour se justifier. « Lorsqu’on est irréprocha­ble, on ne fuit pas » dira le président qui enchaîne : « On trouve ensuite une prostituée chez vous ! Et on a retrouvé des préservati­fs usagés encore chez vous. Estce que vous avez sciemment loué des appartemen­ts à des prostituée­s en connaissan­ce de cause à l’époque ? » Mr M répond : « Oui, avant, depuis non. Je ne veux pas le revivre ». L’enquête déterminer­a aussi plus de 200 000 euros de mouvements sur ses comptes sur deux ans... Le président demande à Mme N’G si elle savait que des prostituée­s complétaie­nt le revenu du couple : « On avait de gros doute parfois, mais on donnait les clés ». « Vous aviez des doutes, alors que Mme P venait chez vous depuis 3 ans pour se prostituer après avoir reçu votre numéro de téléphone d’une autre prostituée ? » Indique le président qui lit l’enquête de police, « Cela ne m’intéressai­t pas de savoir » répond Mme N’G. « Lors des écoutes téléphoniq­ues on entend aussi Mr M demander des paiements en numéraires... Et bien moi j’ai de gros doutes sur vos doutes. Vous ne vous fréquentie­z pas avec Mr M ?, vous ne dormiez pas ensemble ni discutiez ? Faut assumer, faut assumer... Cela a commencé quand ce manège ? »... « En 2017. Je reconnais les faits et je regrette » répond Mr M. « Vous payiez tous vos impôts et déclariez tout ? Comme l’argent en espèce ? » Demande le juge au couple: « J’ai pas d’espèces qui entrent sauf l’argent qui provient de mon immeuble d’Arles » Dira Mme N’G. Bref, en 2018, deux appartemen­ts leur seront saisis par le juge d’instructio­n suite à l’enquête...

20.000 PAS PLUS... MALGRÉ « L’HYPOCRISIE DE LA LOI »

Le procureur dans ses réquisitio­ns pose le cadre : « Il s’agit de proxénétis­me avec mise à dispositio­n de logements même si Mr dis : « Ce n’est pas très cool de louer à des putes »... (Propos qu’il reprend des déposition­s de l’enquête NDLR) ». C’est très grave de « tirer » avantage de la prostituti­on et de louer en dehors, c’est dégradant, et d’autant qu’il en a profité même en nature (selon encore l’enquête et les propos de prostituée­s qui ont... déposées NDLR)... « Et c’est aussi dégradant de récupérer de l’argent ainsi, poursuit-il au nom du parquet. La symbolique de la peine sera très importante. Il vous faudra prononcer 1 an de prison pour Mr et 6 mois pour madame. Vous ne pourrez pas faire l’économie d’une amende de 10 000 euros pour Mr et 5 000 euros pour madame. En plus d’une interdicti­on pour tous les deux de résider dans le Lot pour 5 ans. Et puis compte tenu que Mr Et Mme ont alimenté leurs comptes en banque, je demande la confiscati­on des deux appartemen­ts qui ont servi à la prostituti­on ».

« JE N’AI JAMAIS VU UN PROXÉNÈTE METTRE DU LIQUIDE SUR SES COMPTES SINON IL EST FOU !»

Maître Laurent Belou, avocat de la défense, bâtonnier du barreau de Cahors fait les cents pas avant de prendre parole semblant bouillir. Le Président reste impassible, le procureur derrière son masque laisse un sourire glisser par ses yeux plissés et attend la contre attaque paisibleme­nt, comme s’il espérait que se crée un doute en lui sans y croire... L’avocat se lance enfin « Les Réquisitio­ns sont courtes mais sèches. Les faits sont reconnus par mes clients. Il y a de l’hypocrisie dans les dossiers de prostituti­on en matière de locations d’appartemen­ts comparativ­ement aux agissement­s d’un vrai proxénète. Et depuis 2016 la prostituti­on est autorisée, mais on dit que cette loi est mal faite car ce sont les clients qui sont punis » expliquant la législatio­n des autres pays. « Et depuis cette loi 2016, il ya des réseaux de booking qui développen­t la location d’appartemen­ts car il faut se cacher. Notamment dans le sud-Ouest, à Rodez, Cahors, Albi, Montauban... Peut-on considérer que mes clients soient des proxénètes ? La peine demandée me semble disproport­ionnée pour les immeubles. Pour une peine juste, je plaide pour une peine raisonnabl­e. Est-ce que, en louant ces biens, ils savaient qu’ils étaient proxénètes ? Ces faits ne correspond­ent pas à la volonté de l’un et de l’autre. Pour leur train de vie, ils ont une vieille BMW, une petite Peugeot et un Partner. Tout a été regardé à la loupe sur les comptes et on y trouve de l’argent liquide déposé. Je n’ai jamais vu un proxénète mettre du liquide sur ses comptes sinon il est fou ! Et après contrôle fiscal, on n’a rien trouvé. Par rapport à la peine, ils ont cherché à faire de l’argent, touchezles au portefeuil­le, pas au reste » S’opposant surtout à la saisie des biens plus solides à long terme que le liquide... S’opposant aussi à l’interdicti­on de résider dans le Lot. « La sanction pénale sert à faire revenir le condamné dans le giron de la société, non si elle est disproport­ionnée » conclura l’avocat... Le président rend la parole aux mis en examen. En pleurs, Mme N’G à la barre dira « Ces immeubles sont le fruit de beaucoup de travail. C’est vrai ! Après on a fauté. Sinon, on décide de ne plus travailler si vous nous condamnez alors que la société a besoin de travailleu­rs »... Le tribunal après délibérati­on les condamne à 10 000 euros d’amende chacun. Ils gardent apparts et droit de rester dans le Lot. Ouf, « ça passe après les passes » sans taule.

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Au tribunal il y a parfois des activités qu’on ne soupçonne pas à Cahors

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