Le Petit Journal - L'hebdo local du Lot
Corinne Taylor traductrice à la COP 28 de Dubaï
Corinne Taylor est traductrice interprète sur les langues françaises et anglaises, 15 jours avant le début de la COP28 à Dubaï, elle a été prévenue par l’agence qui l’emploi qu’elle en ferait partie. «En fait c’était un peu un rush, l’agence française qui m’emploie a remporté un appel d’offre sur tout le marché d’interprétation de la COP28, nous sommes ainsi 80 interprètes sur ce créneau.» Corinne découvre alors un monde nouveau pour elle, truffé de réunions allant des pavillons (petites réunions confidentielles) jusqu’aux réunions plénières. «Pour moi qui suis arrivé un peu tardivement sur ce projet, j’ai de ce fait plutôt un rôle de couteau suisse, et on m’envoie ainsi où les besoins se font sentir.» Pendant les 3 premiers jours elle intervient sur le pavillon de la République Démocratique du Congo, en binôme avec un interprète américain (le travail d’interprétation se pratique toujours à 2). «Le RDC essaye de trouver des investissements par le biais de gros projets sur des crédits carbones qu’ils souhaitent vendre aux chinois. L’Afrique est une zone prioritaire ici, elle est responsable de seulement 3% de l’impact carbone humain, alors que ses populations en sont parmi les principales victimes. Ce sont des négociations dans le cadre du «Loss and Damage»». Beaucoup considèrent les Loss and Damage (pertes et préjudices) comme le 3e volet important de la politique du changement climatique, après l’atténuation et l’adaptation. Le volet des pertes et préjudices génère des crispations très importantes lors des négociations climatiques, puisque des centaines de milliards de dollars sont en jeu. Le 3ème jour on prévient Corinne 1/4h avant, pour une intervention sur une réunion de présidents. «C’était une grande réunion sur la sécheresse, on m’a envoyé dans la gueule du loup, sans nos habituelles cabines, sur le bord d’une grande table de réunion, avec les caméras qui passaient devant moi alors que j’essayais de travailler au mieux. Il y avait là quand même le premier ministre espagnol Pédro Sanchez, le président du Conseil de l’Europe Charles Michel et le président du Sénégal Macky Sall. Heureusement Pédro Sanchez est trilingue et cela m’a facilité la tâche. Mais dans l’interprétation simultanée, il faut toujours savoir s’adapter.» Corinne s’étonne que la COP28 ait été organisé à Dubaï dans un pays aussi polluant. «Ici le nombre de voitures est important, lorsque je prends le métro pour aller au site de l’expo qui est magnifique, je vois se dérouler un paysage digne de Mad
Max, avec des terrains vagues industriels ponctués de petits îlots d’habitation. Peut être souhaite t’on ainsi faire prendre conscience de l’urgence climatique aux Emirats.» Corinne se réjouit également de ce qu’elle appelle «le génial melting-pot de personnes». «Ici on parle toutes les langues, c’est une tour de Babel avec une grosse représentation d’autochtones, on voit beaucoup de gens déambuler dans leur tenue traditionnelle.» Enfin elle arrive à trouver quelques avantages à la ségrégation sexuelle même si elle la réprouve. «Je suis contrainte de prendre des wagons de métro réservés aux femmes. La plupart des femmes utilisant ce moyen de transport sont des petites mains philippines ou bangladaises. Et surprise, ils se créé une sorte de sororité entre nous qui fait que nous communiquons plus facilement qu’en présence d’hommes.»