Ce satané soufre
Le soufre piège les ennemis du vin, à commencer par l’oxygène. Mais il n’a pas les coudées franches, car une bonne partie du soufre qu’on ajoute dans une bouteille se combine à d’autres composants du vin, qui l’empêchent d’agir. Aussi la dose de soufre active dans un vin dépend-elle de l’importance, ou non, de cette fraction libre, qu’il est difficile de prévoir. Mais l’homme est sensible à la dose totale, et souffre, à certains seuils, de maux de tête. Les vins rouges sont chimiquement composés d’un réseau de polyphénols, appelés tanins. Ces tanins retiennent dans leurs mailles les petites molécules colorantes, et les protègent de l’oxydation : un vin rouge peut donc se passer de soufre. Un vin blanc, qui n’a guère de polyphénols, est beaucoup plus fragile. Et un vin liquoreux, qui n’est rien d’autre, oenologiquement parlant, qu’une bombe à retardement attendant de repartir en fermentation pour consommer tous les sucres résiduels en suspension, a besoin du double de soufre d’un vin sec : d’où cette terrible réputation de vins à migraine des vendanges tardives court, notamment en sulfitant la vendange. « Nothing added, nothing removed » , explique, en anglais, Isabelle Legeron, diplômée du master of wine, qui vit à Londres, auteure du récent livre « Natural Wines ». Il n’y a « rien d’ajouté, rien d’enlevé » à ces vins qu’elle désigne comme « raw » , bruts, crus, transparents sur leurs méthodes de vinification.