« La ritaline provoque des effets secondaires non négligeables… »
Le Point : N’y a-t-il pas un moyen d’établir un diagnostic « scientifique » ou au moins objectif du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) ?
Patrick Landman : Les critères actuels sont particulièrement flous. Ils reposent sur du « dimensionnel », donc sur une sorte de gradient où on passe du normal à ses variations, puis au pathologique. Si on compare avec la température, la norme est de 37 °C et des variations de 36,5 à 37,5 sont acceptées. Au-delà de 37,5 °C, on parle de fièvre. De la même façon, nous présentons tous des fluctuations de l’attention. C’est notamment le cas des mauvais élèves et des jeunes non motivés. Reste à évaluer la fréquence de ces problèmes, leur degré, et à s’assurer, par exemple, que les difficultés de ces jeunes n’ont pas une autre origine qu’un problème psychologique. D’ailleurs, à partir de quand faut-il juger comme pathologiques l’étourderie et la distraction, qui caractérisent souvent l’enfance ?
Pour vous, on ne tient pas assez compte de l’immaturité psychologique des enfants…
Bien sûr. Il peut y avoir près d’un an d’écart entre les élèves présents dans la même classe. Or une étude menée auprès de 900 000 enfants de Colombie-Britannique (Canada), scolarisés en début de primaire, montre que les garçons nés en décembre ont 30 % de plus de risques de recevoir le diagnostic de TDA/H que ceux ayant vu le jour en janvier. Pour les filles, la différence atteint 70 %. Laissons-leur le temps de grandir ! Je voudrais ajouter que certaines études indiquent que les jeunes étiquetés TDA/H pourraient simplement être des gamins intellectuellement précoces, parfois qualifiés de surdoués. Enfin, j’aimerais connaître la proportion d’enfants TDA/H vivant à la campagne, dans une maison vaste, par rapport à ceux habitant un minuscule appartement en ville…
Il existe néanmoins des enfants vraiment hyperactifs qu’il faut traiter…
Oui, mais cela concerne un très petit pourcentage d’enfants, ceux souffrant d’hyperactivité sévère, avec un retentissement fonctionnel intense qui met en question leur avenir. Après échec des autres solutions (un soutien actif des jeunes et de leurs parents, un changement d’établissement scolaire, voire des mesures éducatives), les médecins spécialisés, dans les hôpitaux, peuvent leur prescrire de la ritaline. Ses bénéfices à court terme sont parfois spectaculaires, mais avec des effets secondaires non négligeables : insomnie, troubles digestifs, céphalées et surtout retentissement sur la croissance ainsi que problèmes cardio-vasculaires. De plus, ce traitement n’est qu’un stabilisateur de trajectoire, il ne guérit pas. Et il n’existe aucun critère précis pour déterminer le meilleur moment de l’interrompre.
Certains vous accusent de faire perdre beaucoup de temps aux enfants, d’entraver leur avenir scolaire, en refusant les médicaments. Que leur répondez-vous ?
Ces reproches ne sont pas sans fondement, mais il convient de les nuancer car, en plus de trente ans de carrière, j’ai vu beaucoup de jeunes hyperactifs, y compris en urgence en raison d’un rejet scolaire. Or on arrive souvent à dénouer la tragédie, à apaiser une situation aiguë en prenant le temps de les écouter, de parler avec eux et leurs parents. De toute façon, la prescription médicamenteuse n’est qu’un aspect de la prise en charge, elle ne doit jamais être isolée
* Il préside le collectif Stop DSM et refuse que la « fausse épidémie de TDA/H » gagne désormais la France.