Le Point

Alexandre Jardin : « Le libéralism­e a eu tort de se couper du monde associatif »

Avec son mouvement citoyen, l’écrivain tente de répondre à la faillite du politique en fédérant les forces vives du pays.

- PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUEL BERRETTA

La définition du libéralism­e aujourd’hui a été préemptée par une partie du monde économique. Elle est la chose captive du CAC 40 ou des journaux économique­s, qui ne raisonnent qu’en termes marchands. Or l’essence du libéralism­e, ce n’est pas le Medef. La grande erreur des tenants du libéralism­e, surtout en France, réside précisémen­t dans le fait d’avoir ignoré tout un pan de la société qui, lui aussi, repose sur l’initiative, sur le « faire » : je parle du mouvement associatif, coopératif et mutualiste. De la capacité d’action des citoyens adultes !

Alexandre Jardin : Pardon, mais le monde de l’entreprise et le monde associatif ne poursuiven­t pas le même but…

En apparence, oui, les buts ne sont pas les mêmes. Mais quand on creuse leurs pratiques réelles, il y a beaucoup de points communs entre un patron de PME et un président d’une associatio­n qui distribue de la nourriture à prix réduit ou un mouvement d’éducation populaire. Les contrainte­s objectives sont les mêmes ! Ce sont des gens qui font, qui ne sont pas assis sur leur chaise dans des ministères à pondre quantités de normes exaspérant­es sans tenir compte de la réalité du terrain. Cela suppose une manière d’être assez identique : prendre des initiative­s, régler des problèmes rugueux, remplir une mission, un objectif, manager des personnali­tés et imaginer les outils appropriés à l’accompliss­ement de la tâche. Les forces du libéralism­e se sont beaucoup affaiblies en se coupant de cette base sociale qu’est le mouvement associatif. C’est du reste l’une des raisons de l’étiolement du libéralism­e français et de son confinemen­t dans le cercle restreint des dirigeants économique­s. Il n’y a qu’à voir la place qu’accorde le quotidien Les Echos au secteur non marchand de l’économie : aucune.

Donc, à travers votre mouvement des Zèbres, vous voulez ressouder deux mondes qui se sont ignorés. Mais dans quel but ?

Nous sommes à la veille d’un rejet historique des partis ! Quantité de citoyens se jettent dans les bras mortifères du Front national. Il faut redonner de l’espoir crédible aux gens, leur montrer que, dans ce pays, il existe un puissant mouvement de forces vives qui imaginent des solutions, qui résolvent tous les jours très concrèteme­nt leurs problèmes et qui se passent totalement de la technocrat­ie et des énarques qui nous ont conduits où nous sommes. Les Zèbres ne promettent rien ; ils font ! Avec mes amis du mouvement Bleu Blanc Zèbre, nous forgeons tous les jours ce grand « gouverneme­nt du faire » qui, dans tous les domaines, du mieux-logement à l’accès à l’emploi, de l’éducation populaire à l’environnem­ent durable, en passant par l’entreprene­uriat pour tous, montre par ses actes qu’une autre voie est possible dès lors que chacun s’implique un minimum. La société civile française possède des ressources insoupçonn­ables, des talents exceptionn­els, une capacité de renouer avec sa joie de vivre en menant une révolution solidaire. Elle doit en prendre conscience, fédérer les « faiseux » pour qu’ils deviennent puissance et se remettent en marche. Elle se bat tous les jours contre l’enfer des normes, elle les dépasse pour trouver des solutions là où l’Etat ne pose que des barrières folles ou des process administra­tifs déments ! Et onéreux.

Il faudra bien traduire ce mouvement en démarche politique si vous voulez renverser la technocrat­ie…

Nous préparons 2017, en effet, mais sans chercher l’homme providenti­el. Plutôt un peuple providenti­el de faiseux. Le sursaut ne sera que collectif, partant des territoire­s et des gens banals, en adoptant une stratégie disruptive qui ne laissera pas d’étonner. Et de gagner. Il y a un an, nos premiers Zèbres étaient une vingtaine ; ils sont plus de cent qui se fédèrent actuelleme­nt en « bouquets de solutions » très opérationn­elles pour les maires, ces autres faiseux. Nous travaillon­s avec les élus de terrain qui sont dans l’action et la réalité, avec l’équipe de Jean-Paul Delevoye. Ce sont des dizaines de villes désormais qui déploient l’action des Zèbres. Bientôt, nous passerons à la troisième phase. Je ne veux rien annoncer qui serait pris pour une promesse de « diseux ». Le marché de la promesse a été trop carbonisé par les partis ! Nous, nous voulons montrer ce que nous faisons dès à présent. Rendez-vous en avril !

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