Les intellectuels ont changé de bord
La droite qui pense reprend le pouvoir. Etat des lieux de ses courants.
Tout le monde l’a oublié, mais, avant la guerre, l’intelligentsia française penchait majoritairement vers le conservatisme ou la réaction – tant parmi les écrivains à la mode (Morand) qu’à l’Académie (où Maurras fut élu en 1938). C’est la compromission de pas mal d’intellectuels de droite avec le régime de Vichy qui donnera le pouvoir intellectuel, après-guerre, à la gauche. La droite, elle, se réfugia dans le style et la désinvolture désengagée des « hussards ». A cette époque, l’expression « intellectuel de droite » devint un oxymore. « Peu à peu s’est installée en France l’idée qu’on peut se dire de gauche, mais qu’on ne peut pas, sans risque, se dire de droite, selon l’ancien maoïste Jean-Claude Milner. La gauche est devenue la seule étiquette qui puisse être revendiquée par ceux qui s’en réclament. L’étiquette “droite”, elle, vous est accolée par l’adversaire. »
Ça, c’était avant. Puis les choses ont commencé à muter. D’abord lorsque se positionner à droite est devenu tendance. Par anticonformisme dans un univers sous l’emprise d’une gauche intellectuelle qui tient à la fois l’Université et la plupart des médias. Ensuite parce que l’angélisme et la censure de la gauche interdisent de nommer un certain nombre de problèmes qui finissent par nous éclater en pleine figure, comme l’antisémitisme venu des banlieues de l’islam.
Le premier à avoir diagnostiqué un changement de climat idéologique, c’est Daniel Lindenberg, l’un de nos meilleurs spécialistes de l’histoire des idées et homme de gauche. Dans son livre « Le rappel à l’ordre », paru il y a une douzaine d’années, il annonçait l’arrivée, encore discrète, sur le marché des idées, d’une « nouvelle réaction » . Il en voyait la preuve dans l’ouverture d’un procès intenté à Mai 68 et à son héritage ; dans la critique du progressisme et de l’antiracisme ; dans la montée d’une intolérance envers l’islam ; dans la crise d’un certain universalisme. Les « nouveaux réactionnaires », identifiés par lui, s’appelaient alors Philippe Muray, Michel Houellebecq, Pierre Manent, Alai n Fi nkiel kraut,