Le Point

Le bug d’un parti musulman

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Qu’on l’accepte ou qu’on le refuse, un parti islamique est un piège pour la démocratie, selon l’écrivain et jour

naliste algérien. Comment peut-on alors répondre, en France, à la demande « islamiste » ou musulmane ?

Un parti islamique en France ? Objet politique fascinant : on ne peut pas le refuser, mais on ne peut pas l’accepter. Rien ne résume mieux le piège français pour l’étranger du Sud : que vont-ils faire, ces Français ? Si la France dit oui, elle se soumet, sur le long terme. Un parti islamique est un parti islamiste par pente naturelle. Par définition. Son but est le monde, pas un mandat. Sa mécanique est déjà rodée dans nos pays au sud : il prend le pouvoir au nom de la démocratie, puis suspend la démocratie par usage du pouvoir. Au mieux. Au pis, il opte pour la démarche du crabe qui garde ses pinces derrière son dos : pas d’ambitions politiques affichées, mais une ambition millénaire dans la tête : convertir les habits, les corps, les liens, les arts, les crèches, les écoles, les chants, la culture, puis attendre que le fruit tombe dans le creux du turban. C’est la démarche horizontal­e, doctrine des colombes dans cette aire-là. Un parti islamiste est un piège ouvert : on ne peut pas le refuser au nom de la démocratie et c’est la démocratie qui le paiera en premier si on l’accepte. Si on le refuse, on bascule soi-même dans la dictature, mais si on l’accepte, on s’y soumet. En gros, il est le reflet inversé et le dessin des limites des modes et idéaux occidentau­x. La France est donc piégée : soit elle accepte un islamisme vertical par un parti ; soit elle subit un islamisme horizontal faute d’ouverture inclusive pour ses population­s de marge, soit un islamisme oblique au nom de la liberté de croyance. Dans les trois cas, elle cédera sur sa vertu, qui a mal vieilli.

Dans l’autre cas, le refus. Pas de parti islamiste au nom de la démocratie. Contradict­ion dans les essences, cohérence dans les mentalités. Mais alors, que dire aux musulmans de France ? Comment faire barrage aux islamistes qui vont manipuler ce refus et gonfler leurs armées par les rejetés ? Que dire au nom de la démocratie ? Comment sortir du piège ? Car un parti islamiste vous piège quand vous l’acceptez et quand vous le refusez. C’est un bug, un caillou dans la chaussure. Dès qu’il fait irruption sur une scène politique, il provoque les mêmes conséquenc­es qu’en Algérie, en Egypte, au Pakistan, au Sahel ou en Tunisie : il divise le pays entre éradicateu­rs (ceux qui veulent éradiquer les islamistes) et réconcilia­teurs (ceux qui prônent le dialogue avec le monologue des islamistes) et fatalistes (ceux qui attendent que cela passe). Cela se résout par un coup d’Etat, un putsch, une élection bloquée, un sursis, comme c’est le cas en Tunisie, ou une prise d’action dans la gouvernanc­e, comme au Maroc. Voire un chaos comme en Libye et un effondreme­nt ou une pollution des révolution­s comme en Syrie. La France, dans ce cas, n’a pas les moyens d’une guerre civile, ni, cependant, ceux d’une paix durable, ni ceux d’un déni à long terme. Une partie de la solution est d’absorber la demande « islamiste » ou musulmane par des ailes plus ouvertes des partis traditionn­els. Mais l’islamisme est-il soluble dans ce cas ? Pourra-t-il se contenter de si peu, lui qui veut le monde ? L’autre solution est de traiter par le minimalism­e l’annonce de création de ce genre de parti. Mais c’est cacher le soleil avec un tamis. Tenu hors de la lumière, le parti recrutera mieux dans l’exclusion. L’ignorer, c’est gagner du temps, mais lui il a l’éternité. Que faire alors ? Si nous on le savait, on aurait réussi nos révolution­s et nos vies. La solution, c’est par pays, même si le problème est mondial. Reste que la France est un spectacle fascinant aujourd’hui face à la « demande » : elle n’a pas trouvé de bonnes solutions avec ses musulmans, cela se complique avec ses islamistes. Le pire suivra vite, car, dès qu’une religion devient une identité (et pas seulement une foi), elle réagit violement aux différence­s, qui elles-mêmes vont s’accentuer.

Au final, c’est un bug. Entre islam et islamisme, extrême droite et extrémisme, Daech et démocratie

Auteur de « Meursault, contre-enquête » (Actes Sud).

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