Le paradoxe de Londres
Le dynamique Royaume-Uni prend le risque de rompre avec une Europe qui lui profite.
L ’élection
législative du 7 mai se présente comme le scrutin le plus décisif depuis un siècle pour le Royaume-Uni, qui se trouve confronté à des enjeux cruciaux. Au-delà de la stratégie économique et du maintien ou du renversement de l’austérité budgétaire, sont en débat le modèle britannique, fondé sur l’ouverture au monde (le Grand Londres compte 3 millions d’habitants nés à l’étranger, sur 8,6 millions), l’organisation communautaire de la société, qui se trouve déstabilisée par le radicalisme islamique, enfin la modernisation de la force nucléaire, dont le coût représente 20 milliards sur dix ans. Plus fondamentalement encore sont en balance l’unité ou l’éclatement du Royaume-Uni et de l’Union européenne. La promesse de David Cameron d’organiser avant la fin 2017 un référendum sur l’appartenance à l’UE, avec un résultat très probable en faveur d’une sortie, ouvre une période de forte instabilité.
Le modèle britannique repose sur trois piliers : l’ouverture pour attirer les fortunes et les talents, les entreprises et les capitaux, les technologies et les talents ; l’économie de bulles, assise sur l’immobilier et les marchés financiers ; la flexibilité, indispensable pour absorber les chocs liés à la constitution puis au dégonflement des bulles spéculatives.
Force est de constater que ce modèle est à la fois cohérent et performant. Le Royaume-Uni a surmonté le terrible choc de 2008 qui l’a obligé à nationaliser son système bancaire. La croissance s’est élevée à 2,6 % en 2014 et atteindra 2,8 % en 2015. L’industrie britannique est la sixième du monde (16,8 % du PIB, contre 12,1 % en France). Le plein-emploi a été rétabli, avec un taux de chômage réduit à 5,6 % de la population active grâce à 31 millions de postes de travail – dont 1,8 million créés dans les cinq dernières années. Le Grand Londres a gagné 2 millions d’habitants en vingt-cinq ans et s’apprête à en accueillir 2,3 millions supplémentaires d’ici à 2030. La richesse par habitant est supérieure de 2 % à celle de la France. Enfin, le déficit public a été ramené de 10 à 5,5 % du PIB et la dette publique contenue à 88,7 % du PIB (contre 95,3 % dans la zone euro).
Au total, le Royaume-Uni bénéficie pleinement de son statut sur mesure de membre de l’Union européenne, mais non de l’espace Schengen et de la zone euro – dont la City est par ailleurs la première place de marché. Cela souligne l’absurdité d’une sortie de l’Union, qui se révélerait plus catastrophique encore pour le Royaume-Uni que pour l’Europe. Et pointe également la fragilité persistante de la zone euro.
L’Allemagne assume désormais le leadership de la zone euro. Les réformes engagées depuis le début des années 2000 ont donné naissance à un second miracle économique : croissance stable approchant 2 % par an ; taux de chômage réduit à 4,7 % avec un record du nombre d’emplois (42,8 millions) ; excédents jumeaux de la balance commerciale et des comptes publics ; dette ramenée à 75 % du PIB avec un objectif de retour à 65 % du PIB.
Pour autant, la pérennité de la zone euro reste menacée, notamment en raison du risque que représente la France du fait de la bulle spéculative de ses finances publiques. Contrairement à l’Allemagne ou au Royaume-Uni, le modèle économique de la France est insoutenable, qui juxtapose 1 % de la population mondiale, 3,7 % de la production et 15 % des transferts sociaux de la planète (670 milliards sur 4 500). La France est une grosse Grèce qui cumule une croissance potentielle inférieure à 1 %, l’euthanasie de l’investissement, de l’innovation et des exportations, 5,5 millions de chômeurs, la paupérisation de la population, un déficit structurel de 4 % du PIB qui va conduire la dette publique à approcher 100 % du PIB à fin 2015. Pour tenter d’échapper à l’implosion et éviter la déflation, la zone euro a conduit deux stratégies
Démanteler l’Europe ne ressoudera pas les nations qui la composent.