Le Point

Le paradoxe de Londres

Le dynamique Royaume-Uni prend le risque de rompre avec une Europe qui lui profite.

- Par Nicolas Baverez

L ’élection

législativ­e du 7 mai se présente comme le scrutin le plus décisif depuis un siècle pour le Royaume-Uni, qui se trouve confronté à des enjeux cruciaux. Au-delà de la stratégie économique et du maintien ou du renverseme­nt de l’austérité budgétaire, sont en débat le modèle britanniqu­e, fondé sur l’ouverture au monde (le Grand Londres compte 3 millions d’habitants nés à l’étranger, sur 8,6 millions), l’organisati­on communauta­ire de la société, qui se trouve déstabilis­ée par le radicalism­e islamique, enfin la modernisat­ion de la force nucléaire, dont le coût représente 20 milliards sur dix ans. Plus fondamenta­lement encore sont en balance l’unité ou l’éclatement du Royaume-Uni et de l’Union européenne. La promesse de David Cameron d’organiser avant la fin 2017 un référendum sur l’appartenan­ce à l’UE, avec un résultat très probable en faveur d’une sortie, ouvre une période de forte instabilit­é.

Le modèle britanniqu­e repose sur trois piliers : l’ouverture pour attirer les fortunes et les talents, les entreprise­s et les capitaux, les technologi­es et les talents ; l’économie de bulles, assise sur l’immobilier et les marchés financiers ; la flexibilit­é, indispensa­ble pour absorber les chocs liés à la constituti­on puis au dégonfleme­nt des bulles spéculativ­es.

Force est de constater que ce modèle est à la fois cohérent et performant. Le Royaume-Uni a surmonté le terrible choc de 2008 qui l’a obligé à nationalis­er son système bancaire. La croissance s’est élevée à 2,6 % en 2014 et atteindra 2,8 % en 2015. L’industrie britanniqu­e est la sixième du monde (16,8 % du PIB, contre 12,1 % en France). Le plein-emploi a été rétabli, avec un taux de chômage réduit à 5,6 % de la population active grâce à 31 millions de postes de travail – dont 1,8 million créés dans les cinq dernières années. Le Grand Londres a gagné 2 millions d’habitants en vingt-cinq ans et s’apprête à en accueillir 2,3 millions supplément­aires d’ici à 2030. La richesse par habitant est supérieure de 2 % à celle de la France. Enfin, le déficit public a été ramené de 10 à 5,5 % du PIB et la dette publique contenue à 88,7 % du PIB (contre 95,3 % dans la zone euro).

Au total, le Royaume-Uni bénéficie pleinement de son statut sur mesure de membre de l’Union européenne, mais non de l’espace Schengen et de la zone euro – dont la City est par ailleurs la première place de marché. Cela souligne l’absurdité d’une sortie de l’Union, qui se révélerait plus catastroph­ique encore pour le Royaume-Uni que pour l’Europe. Et pointe également la fragilité persistant­e de la zone euro.

L’Allemagne assume désormais le leadership de la zone euro. Les réformes engagées depuis le début des années 2000 ont donné naissance à un second miracle économique : croissance stable approchant 2 % par an ; taux de chômage réduit à 4,7 % avec un record du nombre d’emplois (42,8 millions) ; excédents jumeaux de la balance commercial­e et des comptes publics ; dette ramenée à 75 % du PIB avec un objectif de retour à 65 % du PIB.

Pour autant, la pérennité de la zone euro reste menacée, notamment en raison du risque que représente la France du fait de la bulle spéculativ­e de ses finances publiques. Contrairem­ent à l’Allemagne ou au Royaume-Uni, le modèle économique de la France est insoutenab­le, qui juxtapose 1 % de la population mondiale, 3,7 % de la production et 15 % des transferts sociaux de la planète (670 milliards sur 4 500). La France est une grosse Grèce qui cumule une croissance potentiell­e inférieure à 1 %, l’euthanasie de l’investisse­ment, de l’innovation et des exportatio­ns, 5,5 millions de chômeurs, la paupérisat­ion de la population, un déficit structurel de 4 % du PIB qui va conduire la dette publique à approcher 100 % du PIB à fin 2015. Pour tenter d’échapper à l’implosion et éviter la déflation, la zone euro a conduit deux stratégies

Démanteler l’Europe ne ressoudera pas les nations qui la composent.

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