Le Point

La torera Léa Vicens, reine des corridas, s’est hissée au côté des plus grands. Portrait.

- PAR AUDREY LÉVY

Nous sommes dans l’extrême sud de l’Espagne, le « Far West » andalou. Près de Séville, sur les plaines du Guadalquiv­ir, des toros bravos et des chevaux pure race paissent en toute quiétude devant le ranch des frères Peralta, les monstres sacrés du rejoneo, l’art de toréer à cheval. Dans l’arène, une femme défie de jeunes vaches aux cornes menaçantes. Du regard, elle jauge la bête : vif et fougueux, l’animal racle le sol de la patte et fonce sur elle. Perchée sur son étalon, la cavalière l’entraîne dans un fabuleux paso espagnol avant de lui planter, triomphant­e, sa banderille. « C’est une merveille », s’écrie son maître, Angel Peralta, depuis les gradins.

Son nom : Léa Vicens, une Nîmoise de 30 ans, la nouvelle star du rejoneo. L’une des rares femmes et la seule Française depuis Marie Sara à s’être fait une place aux côtés des meilleurs rejoneador­es espagnols. A chaque corrida, elle triomphe : deux oreilles dès ses premiers toros dans les arènes d’Olmedo (Valladolid) en 2010. Trois saisons et 101 corridas plus tard, elle coupera 201 oreilles et 21 queues. Un palmarès qui l’a propulsée à la 4e place de l’escalafon, le classement mondial des toreros. C’est en 2012, lorsqu’elle a remporté à Herencia (Ciudad Real), devant une foule époustoufl­ée, 4 oreilles et 1 queue, que son maître « Don Angel » a décelé la future figura. Il avait vu juste.

Dans le mundillo, la concurrenc­e est rude, les places, rares. Souvent les señoritos refusent de toréer au côté d’une femme. « Avant, j’étais inoffensiv­e ; maintenant je fais peur », s’amuse la demoiselle. Pour dompter les toros, inutile de recourir à la force : « Elle monte avec sa tête et son intelligen­ce », précise son maître.

Dans le milieu, on parle de « langage corporel », inné chez elle, avec les animaux. Il faut la voir, à peine sortie de l’arène, enfourcher son alezan « Ardilla » et le faire piaffer, en un claquement de doigts. « Le secret pour bien toréer, c’est le dressage parfait des chevaux », confie-t-elle. Un art qu’elle pratique, à raison de dix à quatorze heures par jour, renonçant à ses loisirs et à toute vie sentimenta­le : « C’est difficile pour un homme de respecter mon rythme et d’accepter de ne pas être ma priorité. » Sa priorité, ce sont les 20 chevaux de son écurie, dont 12 confirmés, tous tatoués de ses initiales, qu’elle

 ??  ?? Palmarès. Léa Vicens lors de la feria des Fallas, à Valence, le 19 mars. La rejoneador­a (torera à cheval), 4e mondiale au classement des toreros, affiche 101 corridas, 201 oreilles et 21 queues au compteur.
Palmarès. Léa Vicens lors de la feria des Fallas, à Valence, le 19 mars. La rejoneador­a (torera à cheval), 4e mondiale au classement des toreros, affiche 101 corridas, 201 oreilles et 21 queues au compteur.

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