Le Point

La justice s’intéresse à Yazid Sabeg, qui navigue entre affaires et politique. Ses puissants amis s’inquiètent.

- PAR MÉLANIE DELATTRE ET CHRISTOPHE LABBÉ

Le commando de l’armée angolaise n’aura laissé aucune chance à Jonas Savimbi. Le 22 février 2002, le mythique chef de l’Unita est criblé de balles sur les rives du fleuve Luvuei alors qu’il tente de fuir vers la Zambie. L’opération Kissonde est un succès total. Le président Dos Santos s’est enfin débarrassé de son ennemi de vingt ans. Quatorze jours plus tôt, l’insaisissa­ble Jonas Savimbi, alias « le Coq noir », avait été localisé grâce au téléphone satellitai­re de l’un de ses gardes du corps. Dans le petit milieu du renseignem­ent, il se murmure alors que le portable a été repéré par un équipement d’écoute fourni au gouverneme­nt a ngol a i s pa r une e nt r e pr i s e française, CS Communicat­ion & Systèmes. Yazid Sabeg, le président de cette PME de pointe, sera mis en examen pour avoir exporté sans autorisati­on du matériel sensible puis il bénéficier­a d’un étonnant non-lieu prononcé avant même que l’enquête soit bouclée. Afin de négocier le fameux contrat, Sabeg aurait eu recours aux services de l’homme d’affaires Pierre Falcone, principal protagonis­te du scandale de l’Angolagate.

Treize ans après l’éliminatio­n du « Coq noir », Yazid Sabeg inté- resse de nouveau les juges. L’entreprene­ur est au coeur de plusieurs affaires politico-financière­s datant du quinquenna­t de Nicolas Sarkozy. Il y a un mois, son domicile parisien du 16e arrondisse­ment, un vaste duplex bourgeois où deux marines flamandes accueillen­t le visiteur, a été perquisiti­onné. Les policiers de l’Office anticorrup­tion enquêtent sur le versement d’une impression­nante commission de 182 millions d’euros lors de l’entrée des Qatariens au capital de Veolia, en 2010.

En décortiqua­nt le complexe montage financier, ils ont découvert une coquille luxembourg­eoise, Velo Investisse­ment. Cette éphémère société, disparue après quelques mois, a servi au fonds souverain du Qatar à acquérir discrèteme­nt 5 % de Veolia et à redistribu­er l’argent des commission­s. Cent millions d’euros ont atterri dans une société malaisienn­e, 37 autres dans une structure chypriote et 45 millions dans une entité singapouri­enne. Le fait du prince. Yazid Sabeg, qui nie aujourd’hui tout rôle dans ce jeu de bonneteau, s’enorgueill­issait à l’époque d’avoir amené les investisse­urs de Qatari Diar à la table des négociatio­ns. Une opération voulue par Henri Proglio, le patron de Veolia, qui cherchait alors à consolider l’actionnari­at de son entreprise avant de la quitter définitive­ment pour EDF. Au moment des pourparler­s, Yazid Sabeg siège au gouverneme­nt comme commissair­e à la Diversité. Un poste créé sur mesure pour ce fils d’immigrés algériens issu d’une famille de treize enfants, qui a fait de la discrimina­tion positive son cheval de bataille. Nicolas Sarkozy lui avait Héritière de la Compagnie des Signaux, créée en 1903, CS Communicat­ion & Systèmes est une PME spécialisé­e dans l’électroniq­ue et l’informatiq­ue de défense. En difficulté depuis quelques années, la société affichait en 2013 un chiffre d’affaires de 162 millions d’euros. Le gros contrat qu’elle vient de décrocher avec la Direction générale de l’armement devrait lui permettre de se relancer.

Newspapers in French

Newspapers from France