La justice s’intéresse à Yazid Sabeg, qui navigue entre affaires et politique. Ses puissants amis s’inquiètent.
Le commando de l’armée angolaise n’aura laissé aucune chance à Jonas Savimbi. Le 22 février 2002, le mythique chef de l’Unita est criblé de balles sur les rives du fleuve Luvuei alors qu’il tente de fuir vers la Zambie. L’opération Kissonde est un succès total. Le président Dos Santos s’est enfin débarrassé de son ennemi de vingt ans. Quatorze jours plus tôt, l’insaisissable Jonas Savimbi, alias « le Coq noir », avait été localisé grâce au téléphone satellitaire de l’un de ses gardes du corps. Dans le petit milieu du renseignement, il se murmure alors que le portable a été repéré par un équipement d’écoute fourni au gouvernement a ngol a i s pa r une e nt r e pr i s e française, CS Communication & Systèmes. Yazid Sabeg, le président de cette PME de pointe, sera mis en examen pour avoir exporté sans autorisation du matériel sensible puis il bénéficiera d’un étonnant non-lieu prononcé avant même que l’enquête soit bouclée. Afin de négocier le fameux contrat, Sabeg aurait eu recours aux services de l’homme d’affaires Pierre Falcone, principal protagoniste du scandale de l’Angolagate.
Treize ans après l’élimination du « Coq noir », Yazid Sabeg inté- resse de nouveau les juges. L’entrepreneur est au coeur de plusieurs affaires politico-financières datant du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Il y a un mois, son domicile parisien du 16e arrondissement, un vaste duplex bourgeois où deux marines flamandes accueillent le visiteur, a été perquisitionné. Les policiers de l’Office anticorruption enquêtent sur le versement d’une impressionnante commission de 182 millions d’euros lors de l’entrée des Qatariens au capital de Veolia, en 2010.
En décortiquant le complexe montage financier, ils ont découvert une coquille luxembourgeoise, Velo Investissement. Cette éphémère société, disparue après quelques mois, a servi au fonds souverain du Qatar à acquérir discrètement 5 % de Veolia et à redistribuer l’argent des commissions. Cent millions d’euros ont atterri dans une société malaisienne, 37 autres dans une structure chypriote et 45 millions dans une entité singapourienne. Le fait du prince. Yazid Sabeg, qui nie aujourd’hui tout rôle dans ce jeu de bonneteau, s’enorgueillissait à l’époque d’avoir amené les investisseurs de Qatari Diar à la table des négociations. Une opération voulue par Henri Proglio, le patron de Veolia, qui cherchait alors à consolider l’actionnariat de son entreprise avant de la quitter définitivement pour EDF. Au moment des pourparlers, Yazid Sabeg siège au gouvernement comme commissaire à la Diversité. Un poste créé sur mesure pour ce fils d’immigrés algériens issu d’une famille de treize enfants, qui a fait de la discrimination positive son cheval de bataille. Nicolas Sarkozy lui avait Héritière de la Compagnie des Signaux, créée en 1903, CS Communication & Systèmes est une PME spécialisée dans l’électronique et l’informatique de défense. En difficulté depuis quelques années, la société affichait en 2013 un chiffre d’affaires de 162 millions d’euros. Le gros contrat qu’elle vient de décrocher avec la Direction générale de l’armement devrait lui permettre de se relancer.