Jean-Charles Mériaux : « Il faut investir sans hésiter sur la zone euro »
Une phase de respiration est nécessaire. Le marché a besoin d’un nouveau carburant : une hausse des résultats des entreprises au premier trimestre. Tout y concourt : la reprise économique, la baisse de l’euro, la chute du prix du pétrole… L’Europe est devenue une zone refuge pour les investisseurs. On assiste en effet à un phénomène inverse aux Etats-Unis, avec une révision à la baisse des perspectives bénéficiaires à la suite de la hausse du dollar. C’est la première fois qu’il y a entre les deux continents une telle divergence de politiques économique et monétaire et cette nouvelle situation générera une décorrélation des marchés. Les étrangers qui l’ont bien compris investissent en masse dans la zone euro, plus que les Européens.
Jean-Charles Mériaux : Si on a raté la hausse de ces trois derniers mois, est-il encore temps d’investir ?
Il ne faut pas hésiter ! Un grand nombre d’épargnants français et européens sont piégés dans des placements qui ne rapportent rien alors que les actions délivrent un rendement moyen de 3 %. Il faut y aller progressivement, un peu maintenant et plus lorsqu’on approchera de la publication des résultats des sociétés. Le marché connaît un tel retard que la hausse peut s’étirer sur plusieurs années.
Le gouvernement surestime-t-il la reprise ?
Il y a de vrais signes tangibles de reprise. Elle se voit dans les chiffres du crédit. La baisse du prix du pétrole a redonné du pouvoir d’achat aux ménages, qui se sont remis à consommer, à l’inverse des Américains, qui en avaient profité pour accroître leur épargne. L’investissement devrait prendre le relais au second semestre, soutenu par les mesures gouvernementales et le plan d’investissements Juncker de 315 milliards d’euros.
Le risque de déflation à la japonaise est-il vraiment derrière nous ?
Nous sommes en train de sortir d’une période d’inflation négative : – 0,6 % en janvier, – 0,3 % en février, – 0,1 % en mars. Nous devrions retrouver des chiffres positifs au second semestre. La déflation menace les pays d’Europe du Sud, qui, pour retrouver de la compétitivité, ont diminué les salaires. Elle ne concerne ni l’Europe du Nord ni la France.
La hausse des taux américains ne freinera-t-elle pas la hausse des marchés à l’automne ?
Elle sera progressive et est déjà anticipée. L’incertitude concerne davantage les taux européens. Le programme de quantitative easing de la BCE maintient artificiellement les taux bas, alors même que la reprise exigerait qu’ils remontent. Tôt ou tard, ils réaugmenteront. Or 1 point de hausse entraîne une diminution de 10 % de la valeur des obligations.
Faut-il vendre ses obligations immédiatement ou attendre, sachant que la hausse des taux est sans cesse repoussée ?
Contrairement à ce que pensent les épargnants français, les obligations sont devenues un placement dangereux. Pour maintenir le rendement, les gérants ont accru la prise de risque en investissant sur des titres plus spéculatifs, en augmentant l’effet de levier ou la duration. Il faut prendre ses plus-values et investir en actions.
Le rachat de leurs propres titres par les grands groupes ne vous inquiète-t-il pas ?
L’argent rapporte si peu et le financement est si peu cher qu’en attendant la confirmation de la reprise racheter ses titres constitue une opportunité d’accroître à bon compte le résultat par action de son entreprise. C’est une phase transitoire, avant la reprise des investissements ou la réalisation d’opérations de croissance externe.
Où faut-il investir ?
Sans hésiter sur la zone euro. Après nous être focalisés sur les valeurs très présentes à l’international, nous revenons sur les titres domestiques : les télécoms, la distribution (Carrefour, Metro), l’automobile (Renault, Daimler-Benz), la banque (Itesa) et la construction (Vinci, Eiffage). Nous nous intéressons aussi aux sociétés en restructuration (Alcatel, STMicroelectronics).
Large ou midcaps ?
Dans un premier temps, les grandes valeurs profiteront davantage du flux de capitaux en provenance de l’étranger