Le Point

« Good Kill », d’Andrew Niccol, c’est « Top Gun » à l’ère de la guerre des drones. Rencontre avec un rebelle.

- PAR FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

Voilà les dix premières minutes les plus stimulante­s de l’année 2015. Un militaire assis dans son fauteuil, le commandant Tommy Egan, manipule la manette d’un drone. Il se positionne. Sur l’écran, le désert, une piste, un camion bourré de présumés talibans en Afghanista­n. Vitesse du vent : nulle. Autorisati­on demandée. Il est prêt à tirer. Cible à douze secondes. Son partenaire appuie sur un bouton. Explosion. « Good kill », lâche le militaire. En plein dans le mille. Ils établissen­t le damage assessment : le bilan des victimes. Le militaire se lève, marche vers une porte, celle d’un mobil-home. Zoom arrière. On est sur une base américaine. Banlieue cosy de Las Vegas, à 10 000 kilomètres de sa cible. Le « pilote », joué par Ethan Hawke, s’en va retrouver sa femme, ses enfants. Comment était ta journée ? Non : ça fait longtemps que l’épouse ne pose plus cette question. Le mari ne répondrait pas. Il ne travaille qu’à quelques kilomètres, mais c’est un autre monde, là-bas, et toujours la même scène, sur l’écran. Qui se répétera jour après jour, de pire en pire. Un mur se dresse. « Good Kill », le film, va fissurer ce mur.

Tout le monde a en mémoire « Top Gun », le sourire de Tom Cruise, la légende des pilotes de chasse, de l’étoffe dont sont faits les héros. C’était en 1986. Il y a un siècle. Combien d’adolescent­s ont embrassé la carrière après avoir vu « Top Gun » ? Ce fut le cas, on peut le supposer, de Tommy Egan. Devenu un de ces pilotes fiers de leur mission, de leur pays et de leurs frissons. Mais fini le grand huit, bonjour l’ennui. Trente ans après « Top Gun », les héros sont plus que fatigués. Déprimés. Mis au rancart. Ronds-decuir de la mort, les voilà réduits à manipuler le joystick d’un jeu vidéo meurtrier où ils ne courent pas le moindre danger. « Le programme de drones militaires, précise le réalisateu­r Andrew Niccol, s’est inspiré des PlayStatio­n. Le recrutemen­t, aujourd’hui, se fait dans les shopping malls. L’armée veut des jeunes gamers. »

Ici, on s’intéresse à un ancien. Un héros devenu un zéro. Comment faire la guerre assis, en

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