Le Point

Günter Grass, une histoire allemande

Outre-Rhin, il fut le grand écrivain de l’après-guerre. Admiré, décrié et redouté.

- PAR FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

L’enfant terrible de la littératur­e allemande a cassé sa pipe. Cette pipe vissée à ses lèvres, sous sa moustache drue, ses lunettes en demi-lune et son regard sarcastiqu­e : car Grass avait une (grande) gueule, moins celle d’un homme de lettres que d’un hobereau madré. Né à Dantzig (Gdansk) d’un Allemand et d’une Cachoube (une minorité slave), Grass était le fruit d’un détonnant mélange. Son oeuvre le fut aussi, creuset de multiples influences (Rabelais, le baroque allemand, les collages expression­nistes, Döblin) où Maître Günter, toujours du côté des victimes, usinait ses monstres. Romancier épique, intellectu­el engagé, polémiste, satiriste, dessinateu­r, Grass fut le modèle disparu de l’artiste qui pèse sur un pays. Enfant terrible, donc. Comme son Oskar Matzerath, du « Tambour », ses 3 ans bloqués au compteur et son cri vitricide, résolu à briser les fenêtres et, avec elles, tous les tabous et hypocrisie­s d’une société petite-bourgeoise acoquinée au nazisme.

Grass a déboulé dans les lettres en 1959 avec ce cri forgé loin d’une RFA déjà sûre d’elle, dans l’anonymat d’une cave, avenue d’Italie. Là, à Paris, un certain Paul Celan, le grand poète de langue allemande, lecteur à la rue d’Ulm, lui avait conseillé Rabelais : scène parisienne qui fit sortir de ses gonds la littératur­e germanique.

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Géant. Günter Grass chez lui, en 2004. Cet immense romancier est mort à 87 ans, le 13 avril à Lübeck.

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