Une femme s’éveille
Un frère et une soeur dans la maison familiale. Un huis clos, un secret, et la plume d’Hélène Lenoir.
’ habite là, juste en dessous, et le tilleul, s’il vous plaît… » On l’entend, on la voit, déjà, Sophie, s’inquiéter auprès du jardinier du sort de cet arbre planté par sa grand-mère. Mais elle n’a déjà plus voix au chapitre, cette partie du terrain ne lui appartient plus, il a été vendu aux voisins, qui en décideront, et le jardinier-paysagiste, déjà ému, de lui répondre : « Je comprends, je vais voir ce que je peux faire. » Bientôt, les mains de cet homme se poseront et Sophie, qui avait oublié ce que faire l’amour veut dire, redevient vivante. Cette épiphanie des corps et des âmes, la romancière Hélène Lenoir l’amène avec la grâce minutieuse de son écriture, délivrant en quelques phrases son héroïne du poids d’un quotidien de « vieux couple » partagé avec son frère dans cette maison familiale qu’il ne voulait pas vendre car il respire dans le souvenir étouffant de sa mère sacralisée. Dans ce huis clos familial oppressant, la tension augmente constamment autour du personnage de Gilles : pourquoi Carole, la fille de Sophie, a-t-elle demandé à aller en pension, loin de son oncle ? Quel secret plane sur les feuilles aux propriétés narcotiques de ce tilleul ?
Les monologues se succèdent, témoignant de la confusion des sentiments, entrecoupés de dialogues vifs. Depuis son premier roman, « La brisure » (Minuit), il y a vingt et un ans, la romancière fait métier de fouiller les ressorts intimes et la jungle des relations familiales. Elle écrit dans une ville allemande, où elle enseigne le français, une oeuvre qui atteint, toujours, une rare profondeur « Tilleul », d’Hélène Lenoir (Grasset, 242 p., 17 €).