Le Point

Pour ses 70 ans, Daniel CohnBendit dit tout au : sa France, sa judaïté, le foot, les femmes, la mort… Décapant.

- PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS MAHLER ET ÉMILIE TREVERT

Après des années de tergiversa­tions, Daniel Cohn-Bendit souhaite obtenir la nationalit­é française. Fils d’émigrés juifs ayant fui le régime nazi en 1933, l’ancien apatride avait opté pour un passeport allemand à l’âge de 14 ans, avant d’être expulsé de France en 1968. A tout juste 70 ans, l’infatigabl­e chantre de l’Europe se serait-il découvert sur le tard une fibre patriotiqu­e ? Avant son départ pour un road-trip de deux mois à travers les Etats-Unis, nous l’avons rencontré à Francfort, au restaurant Herr Franz, dans le très chic quartier de Westend, QG d’exsoixante-huitards.

Le Point : Vous avez mis du temps à vous décider, mais ça y est, alors que vous venez de fêter vos 70 ans à Berlin, que vous vivez toujours à Francfort, vous demandez enfin la nationalit­é française. Dany le Rouge veut devenir « Dany le

Attention, j’aurai la double nationalit­é ! C’est vrai que c’est un chemin qui a été long. En 1999, après les européenne­s, j’étais allé voir Martine Aubry, qui s’occupait de ça à l’époque. Le problème, c’est que si je prenais la nationalit­é française, je devais abandonner la nationalit­é allemande. Je trouvais ça idiot. Mais ça continuait à me tarauder. Mon ADN était aussi bien français qu’allemand, il manquait quelque chose. En Allemagne, je suis le Français le plus allemand et en France l’Allemand le plus français !

En 1959, quand vous avez choisi la nationalit­é allemande, c’était seulement pour échapper au service militaire ?

J’ai été apatride jusqu’à l’âge de 13 ans alors que mon frère Gaby, lui, avait été naturalisé français en 1936 [trois ans après l’arrivée de ses parents en France, NDLR]. Mon père m’a alors dit : « Le plus simple, c’est que tu deviennes allemand – mes parents avaient repris la nationalit­é allemande – et, la cerise sur le gâteau, c’est que tu ne feras pas ton service militaire. »

Votre fils vous poussa à prendre la nationalit­é française…

Bela a toujours été pour l’équipe de France de foot ; en 2006, pour le quart de finale France-Brésil, il est arrivé au stade de Francfort avec les cheveux bleu-blanc-rouge. Ses copains l’appelaient « le Français »… Mais, à 70 ans, c’est avant tout un choix personnel. Après ma mort, on pourra écrire : « Ci-gît le Franco-Allemand » ! Oui. Je le fais aussi pour que des types comme Pasqua ne puissent plus faire des blagues du genre : « Il est allemand et, comme tous les Allemands, il revient tous les trente ans… »

Pour emmerder le monde ?

Pour brouiller les pistes, plutôt.

Mais c’est juste un bout de papier. Ça a un sens pour vous ?

C’est un jeu, mais derrière il y a une réflexion réelle : aujourd’hui, on ne se définit plus par une seule identité. Nous avons tous des identités multiples, et c’est ça que je veux prouver. On est une addition d’identités.

Un jeu, dites-vous. N’est-ce pas plutôt une revanche vis-àvis de la France, qui vous a expulsé en 1968 ?

Non. J’ai déjà pris ma revanche en 1999, quand je suis revenu en France pour les européenne­s. Là, je m’étais dit : « Vous n’avez pas voulu de moi, eh bien, vous allez voir ce que vous allez voir ! »

Les Français ont quand même été ingrats envers vous. Après un beau score aux européenne­s, Dominique Voynet vous renvoie à Francfort…

Les partis sont les partis… Mais les Français m’adorent ! Enfin, pas tous… Souvent, les gens me disent : « Mais si, Dany, il faut que tu ailles à la présidenti­elle ! »

Avec la carte d’identité française, vous pourriez…

Non, il n’y a aucune raison que je change d’avis. Le problème des écologiste­s, c’est qu’ils recherchen­t désespérém­ent quelqu’un qui puisse incarner les valeurs écolos. A un moment, ils ont cru que c’était Nicolas Hulot, mais ça n’a pas marché, puis il y a eu une erreur de casting avec Eva Joly. Cécile [Duflot] danse sur tous les pieds en

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