Le Point

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Il était euphorique, Ermias Ghermay, dans cette écoute téléphoniq­ue réalisée par le parquet de Palerme. Un de ses navires chargés d’immigrés venait d’arriver à bon port, sur les côtes de Sicile, et il se félicitait du succès de son entreprise. Ghermay est un nom qui circule dans toute l’Afrique subsaharie­nne et dans la Corne de l’Afrique, du Soudan au Niger, de l’Erythrée au Tchad ; un sésame pour les candidats au voyage de l’espoir vers la riche Europe.

Cet Ethiopien de 40 ans, installé à Tripoli, est à la tête du plus grand réseau d’immigratio­n clandestin­e entre la Libye et l’Italie. C’est lui qui avait organisé, en octobre 2013, la traversée au cours de laquelle 366 migrants périrent près des côtes de Lampedusa. Rien ne permet encore d’affirmer qu’il est à l’origine du dernier naufrage, qui a fait plus de 900 victimes. Mais rares sont les passeurs suffisamme­nt puissants pour garder en semi-captivité un millier de personnes avant de les faire embarquer, avec la complicité des milices.

L’organisati­on de Ghermay est présente dans tous les pays qui alimentent ce flux. Ses principaux lieutenant­s sont érythréens, éthiopiens, ivoiriens et ghanéens. Ils facturent 5 000 dollars la première partie du voyage. Sur les routes du désert, les hommes de Ghermay achètent des caravanes entières de migrants à d’autres réseaux. Les pauvres hères sont réduits en esclavage par leurs nouveaux parrains. Sur une vidéo tournée par un réfugié syrien (visible sur corriere.it), on voit un jeune homme récalcitra­nt attaché et fouetté par son geôlier. Les femmes sont souvent violées et parfois contrainte­s à se prostituer.

C’est à leur arrivée en Libye que les voyageurs font la connaissan­ce d’Ermias Ghermay. Originaire d’Addis Abeba, trapu, vêtu à l’occidental­e, marié à une Ethiopienn­e qui vit en Allemagne, il se déplace avec chauffeur et veille à tout. A Tripoli, il habite dans le quartier des mezrea, ces fermes dans lesquelles il parque son bétail avant de l’envoyer dans les ports de Zuwara, Zawiya et Garabulli. Pour cette seconde partie du voyage, les clandestin­s doivent

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