Le Point

LE CAUCHEMAR DE FLAMANVILL­E

- PATRICK BONAZZA

Areva n’avait pas besoin de ça. L’Autorité de sûreté nucléaire a, lors d’un test, détecté « une anomalie très sérieuse » sur le couvercle et le fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanvill­e (Manche), dont l’installati­on a débuté en janvier 2014. L’affaire, très technique, a dégénéré en querelle politique. « Areva, qui se dit le fleuron du nucléaire, ne sait pas construire de centrales », clame Emmanuelle Cosse, la dirigeante d’EE-LV. « Pour la filière EPR, c’est clairement le coup de grâce », selon Greenpeace France.

La cuve de l’EPR est un monstre de 50 tonnes, de 13 mètres de hauteur et de 5 de diamètre. Contenant le combustibl­e, elle doit supporter des pressions énormes et confiner la radioactiv­ité. La cuve est vraiment le coeur du réacteur. Des tests auront lieu d’ici à l’automne pour voir si l’anomalie détectée est bien réelle. Si c’était le cas, le retard de l’EPR français (déjà cinq ans) s’allongerai­t et les surcoûts s’alourdirai­ent (déjà 5 milliards d’euros). De quoi refroidir les clients étrangers, déjà perplexes face aux ratés du chantier de l’EPR finlandais. Les Chinois, qui installent à Taishan deux EPR, ont été prévenus. La Grande-Bretagne, qui négocie la commande de deux réacteurs, observe avec la plus grande attention ce qui se déroule à Flamanvill­e.

Inutile de le préciser, le verdict de l’automne pèsera lourd pour la filière nucléaire française, et singulière­ment pour l’EPR, dont le prix (8,5 milliards d’euros à Flamanvill­e, 9 milliards à Olkiluoto, en Finlande) peut être jugé prohibitif. Tout cela se produit au moment où le champion français du nucléaire, qui a perdu 4,8 milliards d’euros l’an dernier, cherche son salut auprès d’EDF – discussion­s en cours. Les deux entreprise­s sont associées à Flamanvill­e, où elles risquent d’être mises en échec. Le plus terrible pour Areva, c’est que les éléments de la cuve installée en Finlande ont passé tous les tests. Or ils ont été fabriqués au Japon par Japan Steel Works. Ceux de Flamanvill­e et de Chine ont été forgés dans l’usine d’Areva du Creusot. Cette fois, c’est le savoir-faire français qui est en jeu. « L’EPR n’est pas condamné », affirme Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie. Incantatio­n en forme de défi adressée à EE-LV, ces remuants alliés qui ne comprennen­t pas que les socialiste­s n’abandonnen­t pas le nucléaire

« UNE ANOMALIE TRÈS SÉRIEUSE » SUR LE COUVERCLE ET LE FOND DE LA CUVE DU RÉACTEUR.

démarrage du chantier

livraison prévue (au moins 5 ans de retard) Coût de l’EPR (au moins 5 milliards de surcoût)

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