Jafar Panahi en roue libre
Au volant de son « Taxi Téhéran », le réalisateur iranien fait un pied de nez à la censure.
Il y a des prisons qui vous libèrent. C’est, au fond, ce que démontre Jafar Panahi dans « Taxi Téhéran ». Empêché de quitter son pays depuis sa condamnation en 2010 pour un film jugé injurieux par les autorités, le réalisateur iranien, à qui fut intimé l’ordre de ne plus rien tourner, cueille les fleurs du mal qui l’oppresse. Un taxi lui sert de prétexte, de théâtre, de refuge. Trois minicaméras dissimulées dans un décor statique mais ambulant, une banquette arrière aux allures de divan où s’allongerait la société iranienne. Vendeur de DVD piratés, mamies superstitieuses veillant sur un bocal de poissons rouges, avocate des droits de l’homme, les personnages se succèdent comme dans les cases d’une bande dessinée à l’humour taquin. Car Panahi traite les larmes par le rire et le tragique par l’ironie. Ses dialogues sont autant d’exercices de style riches en sous-entendus et en émotion contenue. Et l’on repense à Baudelaire et à sa profession de foi sur le sonnet : « Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense ! Avez-vous observé qu’un morceau de ciel aperçu par un soupirail donnait une idée plus profonde de l’infini que le grand panorama vu du haut d’une montagne ? » « Taxi Téhéran » est de ces sonnets-là « Taxi Téhéran », en salles.
Sur la banquette, les personnages se succèdent comme dans les cases d’une bande dessinée à l’humour taquin.