Esclavagiser les énarques ?
C’est la question que l’on se pose (en souriant) après la lecture de « La démocratie contre les experts » (Seuil, 288 p., 20 €), l’excellent livre du jeune historien Paulin Ismard, déjà salué dans ces pages pour sa réexploration du procès de Socrate (« L’événement Socrate », prix Emile-Perreau-Saussine 2014). Dans l’Athènes antique, rappelle-t-il, pour que les citoyens puissent être libres de décider des grandes orientations politiques de la Cité, toutes les tâches administratives de la démocratie (faire rentrer l’impôt, gérer les tribunaux…) étaient confiées à des esclaves publics (dêmosioi). Largement rétribués, excellemment formés, ils étaient des experts mais, restant des esclaves, ils ne considéraient pas – comme nos « grands commis de l’Etat » contemporains – que leur compétence technique valait titre à gouverner et ne participaient donc pas aux décisions, issues de la démocratie directe. Bref, les experts étaient « techno », mais ils n’étaient pas « crates ». Aucune situation n’est transposable, bien sûr. Il n’empêche, c’est toujours si riche de perspective, de relire les Anciens…